Faut-il fermer les marchés boursiers ?
C’est LE débat des derniers jours sur la place financière…Que faire, alors que tout un pays ou presque est à l’arrêt (le gouvernement ayant déjà revu à la baisse la croissance de 2020 à -1% alors qu’elle devait être situé autour de 1,3%) ? Le gouvernement doit-il annoncer la fermeture de la bourse de Paris, à l’image des Philippines (pendant seulement 2 jours) ? Ou doit-il, au contraire, laisser ouvert celle-ci, comme l’a indiqué l’AMF ?
D’abord, rappelons les faits. Le 16 mars 2020, le « Nous sommes en guerre » d’Emmanuel Macron retentit. Le président français ordonne à ses concitoyens de rester chez eux. Résultat : la France et son économie sont à l’arrêt. Seuls les « premières nécessités » fonctionnent encore.
Le CAC - alors déjà touché de plein fouet avec l’arrivée du coronavirus en Chine – se prend une autre gifle. Bilan : sur un mois, la bourse de Paris a perdu près de 33% de sa valeur.
Le lendemain (17 mars) de l’annonce d’Emmanuel Macron, l’AMF (autorité des marchés financiers) agit et décide de calmer le jeu en arrêtant la vente à découvert sur 92 valeurs françaises.
Mais faut-il aller plus loin et fermer la bourse de Paris ?
Oui, il faut fermer les marchés
Un pays à l’arrêt ne peut fonctionner correctement. Alors à quoi bon subir cette baisse des cours alors que l’économie, française comme mondiale, est à l’arrêt ? Au vu de la situation actuelle, cette question est légitime.
Parce que nous faisons face à une crise sans précédent. Même la crise de 2008 ne fut pas si violente sur le court terme, c’est le 12 mars dernier que le CAC a battu des records de chute du marché en une journée : - 12,3%.
Alors, ici, fermer les marchés pourrait permettre à certaines entreprises comme aux investisseurs de se détendre et donc de calmer le marché, en berne depuis maintenant près d’un mois.
Il faut aussi penser à l’avenir inconnu qui nous attend. Comme nous ne pouvons rien établir, il est compliqué pour certains d’investir. Et cette incertitude provoque la vulnérabilité des marchés et donc des entreprises.
Nous vivons dans l’inconnu car nous vivons une première. Nous faisons face à un choc qui est à la fois opérationnel mais également financier. Heureusement, l’Homme apprend de ses erreurs - récemment la crise des subprimes - dont nous en avons tiré des conséquences. La rapidité d’exécution des États comme des banques centrales le prouvent. Mais ont-ils les moyens et la capacité de le faire encore longtemps ?
Le côté opérationnel est, lui, une première. La crise du coronavirus pourrait provoquer le confinement d’1 milliard de personnes. 1/7e de la population mondiale à l’arrêt, ou presque. Comment vont réagir les marchés à cela ?
Dernier enjeu à prendre en compte, et non des moindres : le fameux « pic ». Alors que la situation du CAC40 est déjà compliqué – même s’il est en hausse de 5% la semaine dernière – celle-ci n’est pas prête de s’améliorer. En effet, nous ne sommes pas encore au pic du nombre d’infectés par le coronavirus. Hormis la Chine et la Corée du Sud, qui semblent presque sortis d’affaire, plusieurs autres pays, et non des moindres, risquent d’être fortement touchés dans les prochains mois : USA, Angleterre, Espagne, Inde, Europe Orientale. Raison de plus pour anticiper une énorme récession et fermer les marchés ?
Non, il ne faut pas fermer les marchés
« Je ne vais pas fermer des marchés qui fonctionnent ». Robert Ophèle, a, au moins, le mérite d’être clair. Si l’on se réfère aux entretiens accordés au président de l’AMF, le doute concernant la fermeture ou non de la place de Paris n’est pour l’instant pas d’actualité.
Et pour le moment, les marchés fonctionnent. Certes, ils sont en baisse et subissent une crise qui marquera l’histoire, mais le marché reste liquide et donne des prix. Comme l’a très bien dit encore une fois Robert Ophèle aux Echos: « Ne fermons pas ce qui fonctionne ».
Pourtant, au vu de la situation historique, on pouvait s’attendre au contraire. Mais cette crise a un autre défaut qu’il ne faut pas minimiser : le temps. Nous ne savons pas combien de temps celle-ci peut durer. Alors pouvons-nous fermer les marchés pendant plusieurs mois ? Voire pire… ?
D’autant plus que les français se mettaient à nouveau à s’intéresser à la bourse après le krach de 2008. Alors fermer la bourse provoquerait une nouvelle fois un vent de découragement pour certains investisseurs : ce que ne souhaite surtout pas les États (souvenez-vous de la communication du gouvernement français avec l’introduction de la FDJ).
Si le CAC s’arrête de respirer demain, il faut aussi prendre en compte l’envers du décor, soit l’impact qu’aura la fermeture. Près de la moitié des transactions sur les valeurs françaises sont réalisées hors de France. Pour que le CAC ferme demain, il faudrait que les bourses européennes ferment également.
Donc, comme pour tout ce qui concerne cette crise, la bonne réponse ne peut qu’être qu’à l’échelle de l’Europe, voire du monde. Un apprentissage de notre interdépendance qui pourrait nous aider à nous accorder sur les mesures à prendre ensemble contre le réchauffement climatique.
D’un point de vue plus strictement financier, que la bourse ferme, ou pas, la brutalité de ce krach laissera des traces : les primes de risque devraient rester durablement plus tendues et en conséquence les valorisations plus exigeantes.