Intelligence artificielle, êtes-vous déjà prêt ?
Nous passons environ un quart de notre vie à apprendre, à développer notre cerveau et à emmagasiner rapidement de l’information. Une IA doit pouvoir très rapidement apprendre à réaliser des processus basiques ou compliqués, d’elle-même, mais sans jamais comprendre ce qu’elle fait. Aujourd’hui, c’est pourtant ces IAs que vous utilisez tous les jours sans le savoir. Les comprenez-vous ?
Je suis sûr que l‘intelligence artificielle (IA) n’a plus de secret pour vous. Entre les constructeurs qui l’utilisent dans des systèmes à temps continu, lorsqu’elle est cachée lors de vos recherches sur internet ou si vous en avez développé une qui vous dit quand investir au bon moment sur la bonne action, l’IA est partout. Cependant, plus on entend parler d’IA, moins on pense la comprendre. Le sujet est tellement complexe que bien que beaucoup d’éditos en ont déjà tracé des portraits, il y aura toujours une pointe de nouveauté. Ici nous voulons nous concentrer sur son impact sur les sociétés. Quels seraient les enjeux d’une utilisation massive des IAs ? Est-il possible d’utiliser actuellement une IA au niveau d’un pays? Peut-alors alors leur faire confiance ?
Mythe et réalité de l’ « intelligence » artificielle
Le terme Intelligence Artificielle n’a jamais été bien donné car il suppose qu’il puisse exister un autre type d’intelligence que celle de l’homme. Ainsi, le terme créé dès le départ un esprit de comparaison. On souhaite se comparer à l’IA car nous sommes nous-même doués d’une intelligence. Or, comme nous l’avons dit, nous ne savons pas bien définir ce que fait l’IA, ce qu’elle fait précisément etc. Il vient alors que la société se crée une peur quant à la performance et l’emploi de ces technologies. En particulier, on pense parfois trop rapidement, par continuité avec la robotique, qu’elle va remplacer nos emplois, qu’elle est dangereuse militairement, qu’elle peut nous surveiller en créant un fichier unique dans lequel à chaque individu correspondrait une note. Il y a du vrai et il y a du faux dans toutes ces idées. Faisons attention à l’emploi de ce terme, mettons tout de suite des cadres de compréhension qui nous permettront certes d’affirmer des analyses et des prédictions sans toutefois penser une seule fois qu’une IA puisse un jour nous remplacer.
Chez Asimov, l’IA passe par la robotique via des cerveaux positroniques. À son époque, la microélectronique n’était pas mature et il a donc eu recours à cet artifice pour permettre à ses robots d’avoir une taille humaine. Cependant, dans certaines de ces nouvelles, il met en place une société dirigée, aidée, organisée par des Multivacs. Ces énormes ordinateurs, cachés dans les souterrains et n’étant accessibles que par une dizaine de personnes, utilisent toutes les données qu’ils recueillent pour répondre aux questions des ingénieurs et prendre des décisions sur le territoire qu’ils gèrent. Arriverons-nous à ces machines dans le futur ? Et pourquoi pas …
Loin de la science-fiction, les journalistes ont à cœur de présenter les mille et une utilités de l’IA sans toutefois arriver à des conclusions stables. Par exemple, et j’ai moi-même était déçu par ce résultat, les scientifiques nous avaient promis que l’IA permettrait de trouver facilement un vaccin pour la Covid-19. Ainsi, il y quelques mois, une petite centaine de candidats avaient été trouvés par une IA et ne demandaient qu’à être testés. Pourtant, les résultats se sont vite fait taire malgré un soutien politique et des prétendus résultats[1]. L’IA a un fort engouement mais n’a clairement pas réponse à tout et est très loin d’acquérir les compétences nécessaires à une aide globale.
Si l’on repart maintenant avant la crise sanitaire, les entreprises mettant en place des IA (les grandes multinationales pour la plupart Baidu, Microsoft, Google …) se servent de tests ludiques (et pourtant mathématiquement d’une complexité très grande) pour montrer leur savoir. Vous avez bien entendu parler de DeepMind (Google) qui a montré sa force en battant les joueurs de Go, ou encore des joueurs de Starcraft (jeu en temps réel où les joueurs pros dépassent les 400 actions par minute) même en bridant le programme. Une IA est qualifiée pour un processus unique.
Dans la sphère politique, M. Villani par exemple proposait dans son programme de mettre en place un système d’IA pour gérer la circulation des villes. En effet, nous avons tous vécu cette situation où le feu est rouge depuis quatre minutes sans que personne ne roule sur l’autre voie. Un tel programme permettrait en effet de fluidifier nos axes routiers jusqu’à 50% d’après une startup israélienne qui teste ces solutions[2].
Comme vous l’avez sans doute compris, toutes ces technologies utilisent l’intelligence artificielle. Cependant, bien qu’elles soient bien meilleures qu’une décision humaine, elles ne sont douées et entrainées que pour répondre à des cas bien particuliers. Aucune IA ne peut et ne va être performante sur une multitude de sujet comme l’est le cerveau humain sans que les neuroscientifiques comprennent parfaitement pourquoi notre cerveau réussit à être aussi polyvalent.
Utilisation, enjeux, abus
Récemment, le Japon a franchi le pas de l’IA dans sa société pour faire face à un défi national qu’aucune solution n’a encore endigué : la faible natalité. En effet, la population japonaise est vieillissante, les études nationales ont estimé que la population passera de 128 millions d’habitants actuellement à 53 millions à la fin du siècle[3]. Pourtant, ce pays fort de son histoire et de ses traditions, ne manque pas de moyens technologiques. En avance sur de nombreux domaines et en particulier sur la robotique, ils mettent aujourd’hui en place un algorithme d’IA pour mettre en relation deux personnes qui partagent les mêmes affinités. La littérature est remplie d’exemples où des gouvernements utilisent ces outils ; l’IA doit cependant être omnisciente, préparer des coups en avance, et est parfois même, en fait, le miroir d’une intelligence humaine qui la contrôle. Ainsi, tout comme on cherche actuellement à créer des IA « éthiques », il faudra toujours réfléchir et interpréter les résultats donnés sans quoi les résultats ne seront que la copie de ce que l’on fait déjà.
Pour mettre en place une telle stratégie, le Center for Advanced Intelligence Project a été fondé en 2016. Ce laboratoire de recherche est en lien direct avec le ministère de la recherche japonais et a pour but de trouver des solutions dans les domaines sociétaux. En creusant plus loin, c’est en fait un écosystème très fort qui se développe entre les industriels et les laboratoires ; un rapport gouvernemental[4] fait ainsi liste de vingt-et-un grands acteurs, PME et startup japonaises qui mettent en place ou recherchent actuellement des solutions dans tous les domaines : transport, santé, architecture, etc.
Si l’on parcourt le spectre des enjeux, on traverse l’ensemble de nos activités : que ce soient des enjeux économiques d’optimisation de la chaine de valeur et de diminution des coûts variables ; des enjeux sociétaux comme au Japon ; des enjeux sanitaires avec la réponse rapide aux maladies émergentes ; ou, pour ne citer que ce dernier, des enjeux géopolitiques et militaires avec les robots intelligents et l’amélioration des hommes.
Avec un sujet d’une telle ampleur, il faut forcément travailler sur les barrières et les cadres qui permettent de définir un socle commun de travail et de défiance vis-à-vis de potentielles utilisations excessives de cette technologie. Dans de nombreux pays, dans des entreprises privées et jusqu’à l’ONU, des comités d’éthique réfléchissent à ces problématiques. Pouvons-nous alors faire confiance à ces algorithmes qui rythmeront peut-être demain les marchés financiers ? D’après l’ESMA[5], l’autorité européenne des marchés financiers, d’après le BaFin et le WEF, l’IA peut faire émerger un marché de type Monopoly où certes l’IA amènera des améliorations intéressantes en termes de performance mais augmentera aussi très nettement le risque de vulnérabilité aux points de défaillance unique, des processus qui peuvent faire tomber tout le système, car le processus majoritaire – le Graal – sera utilisé au détriment des autres.
L’IA ne va pas prendre notre travail mais est là pour nous aider
Alors l’IA peut-elle remplacer nos emplois ? Menace-t-elle actuellement ou dans le futur notre mode de vie ? Regardons quels sont les principaux acteurs de ces nouvelles technologies. La Commission Européenne a ainsi cartographié[6] plus de 35 000 acteurs principaux, regardons cela :
Les États-Unis et la Chine mènent évidemment la danse en regardant le nombre d’acteurs. Cependant, leur tactique est vraisemblablement très différente. Du côté de la Chine, qui veut devenir leader de l’IA en 2030, il y a environ six fois plus d’acteurs R&D que d’entreprises. À l’inverse, les États-Unis font le pari des produits et de son utilisation locale en ayant environ deux fois plus d’entreprises que d’acteurs de R&D.
De plus, certains acteurs que l’on n’attendait pas forcément se distinguent : on retrouve Israël et Singapour, deux pays dont nous parlons régulièrement au cours de nos éditos. Pour montrer en quoi leur stratégie est différente, on peut par exemple comparer le nombre d’acteurs par rapport au PIB du pays. Ces deux outsiders sont bien placés et pour eux, le plus important est de développer rapidement des technologies utilisables dans leur pays à petite échelle pour ensuite être rachetés plus tard.
Bien que tous ces acteurs aient des projets sur de nombreuses thématiques, il faut cependant comprendre que l’un des défis d’une IA est d’aider l’homme et non le remplacer. À la différence de la robotique qui a pour but de remplacer le travail rébarbatif mais qui créé des emplois plus qualifiés, l’IA a besoin de l’homme pour comprendre les modèles qui sortent des machines. N’hésitez pas à aller creuser le sujet dans de nombreux MOOCs gratuits ou sur Youtube pour en apprendre plus et faire votre propre idée de ces technologies qui émergent de toutes parts. C’est ainsi que nous apprendrons à travailler avec elles.
Nous ne sommes pas arrivés du tout à l’âge d’or de l’IA dans le monde. La recherche fondamentale se heurte sans cesse à une méconnaissance du cerveau humain qui l’empêche d’avancer. Bien que la théorie permette de faire des analyses poussées sur des grands jeux de données, il faudra bien plus de connaissances pour unifier une IA à une réelle compréhension et synthèse que nous avons grâce à notre intelligence. Finalement, l’IA n’est qu’une suite de chiffres qui n’ont pas de liens entre eux. Nous ne parlons pas ici de techniques d’améliorations de l’homme comme le projet d’Elon Musk Neuralink car cela aborde un tout autre volet éthique du sujet toutefois très intéressant. Aujourd’hui, nous sommes convaincus que l’IA va prendre de plus en plus de place dans notre vie professionnelle et personnelle mais qu’il faut toujours en avoir conscience. Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Il faut mettre en place un cadre opérationnel et l’améliorer avec la science sans toutefois se laisser dépasser par ceux qui ne souhaiteraient pas avoir les mêmes règles.
Bibliographie :
[1] Conseil de l’Europe, IA et lutte contre le coronavirus Covid-19, https://www.coe.int/fr/web/artificial-intelligence/ai-and-control-of-covid-19-coronavirus
[2] Intelligent traffic control, https://itc-israel.co.il/
[3] Worldometers, Japan Population Forecast, 2019, https://www.worldometers.info/world-population/japan-population/
[4] Ambassade de France au Japon, L’intelligence Artificielle au Japon, 2018
[5] ESMA, ESMA Report on Trends, Risks and Vulnerabilities, 1er novembre 2019
[6] Commission Européenne, Artifificial Intelligence: a European perspective, 2018