La zizanie
L’action de Donald Trump isolera les Etats-Unis. Mais les nations aussi bien alliées que rivales ne sauront probablement pas tirer les marrons de ce nouveau feu.
Donald Trump a annoncé vendredi 15 juin que des droits de 25% allaient être appliqués sur 50 milliards de dollars d'importations en provenance de Chine. Cela fait suite à la mise en place de taxes sur l’acier et l’aluminium effectivement imposées à ses alliés (Canada, Europe).
Les menaces sur le fonctionnement de l’OTAN, la sortie de l’accord de Paris sur le climat, la remise en cause de l’accord conclu avec l’Iran, le départ prématuré de Donald Trump du sommet du G7 et son retrait du communiqué final, les attaques frontales contre l’Allemagne et les menaces sur ses exportations de voitures aux Etats-Unis, participent à la même logique de défense des intérêts de la première puissance économique, technologique, financière et militaire du monde.
Ces actions ne sont pas injustifiées et sans fondements. Mais menées conjointement, elles menacent les rivaux des Etats-Unis et simultanément déstabilisent ses alliés : L’Amérique s’isole.
Le risque est également de saper durablement les instruments mêmes de sa puissance.
- En effet, les autres pays s’adapteront pour moins dépendre des importations américaines et donc du pouvoir de sanctions des Etats-Unis, ils y construiront des usines ;
- Pour moins dépendre du $ et du risque juridique lié à l’extraterritorialité des juridictions américaines, ils commerceront de plus en plus en Yuan ou en € ;
- Comptant moins sur la protection militaire américaine, ils se réarmeront et établiront de nouvelles alliances ;
- Pour moins subir la férule technologique américaine, ils contreront autant que possible l’action des grandes sociétés de l’internet américain et favoriseront l’éclosion de leur univers de sociétés technologiques ;
- Pour moins dépendre des fonds de pension américains, ils développeront leurs propres instruments financiers capables de supporter des investissements à long terme dans l’innovation.
Tout cela sera entrepris … mais, très probablement, pas abouti.
L’Europe est divisée, profondément, entre celle de l’alphabet cyrillique et celle de l’alphabet romain, entre l’Europe autrefois barbare (attachée à la liberté) et l’Europe autrefois romaine (attachée à la loi), entre l’Europe continentale et l’Europe maritime, entre l’Europe protestante et l’Europe catholique. Et puis il y a le poids de l’histoire et la marque des vieilles rivalités : Pologne versus Russie, Russie versus Allemagne, Roumanie versus Hongrie, France versus Angleterre etc.
En Asie, l’Inde se méfie de la Chine, la Chine n’aime pas le Japon qui déteste la Corée (du nord comme du sud), les pays de l’Asean craignent la Chine. Le reste du monde ne vaut pas mieux en terme de divisions, mais ne compte pas.
Les Etats-Unis resteront donc, pour encore longtemps, la puissance dominante.
Mais que Donald Trump reste durablement au pouvoir ou pas, la tendance lourde semble bien être celle d’un choix du peuple américain pour revenir à ses fondamentaux, c’est-à-dire, faire primer les intérêts de leur pays sur ceux de leur imperium.
L’Amérique pourrait aujourd’hui abandonner la protection de la Corée du Sud contre l’abandon de missiles intercontinentaux porteurs d’ogives nucléaires par la Corée du Nord, la défense de l’Europe en échange d’une rupture de l’alliance entre la Russie et la Chine, la protection de l’Arabie Saoudite (rendue possible parce qu’elle est devenue auto-suffisante en hydrocarbures) pour soumettre l’Europe.
C’est un peu comme des parents qui font leur crise de la cinquantaine et qui disent à leurs enfants que maintenant ils doivent se débrouiller tous seuls : Ils n’auront plus d’argent de poche, de subventions de toutes sortes, de maisons de vacances constamment ouvertes : ils doivent désormais se débrouiller tous seuls et les parents, eux, vont enfin vivre leur vie, penser à eux et profiter (quel terme affreux !).
Les pays d’Europe vont brutalement découvrir l’adversité du monde et la précarité de leur situation géopolitique : Dans ce nouvel environnement, la fratrie ne restera pas unie et chacun voudra vivre sa propre vie (ce dont je parlerai dans un prochain edito).
Et bien sûr, la planète finance, qui est une dérivée du monde réel, amplifiera ce grand changement.