L’Allemagne
L’Allemagne, pays de 81 millions d’habitants, est la première puissance européenne. Sa richesse est enracinée dans une industrie exportatrice qui l'expose à l’international et la contraint à renforcer ses débouchés partout dans le monde. Elle a besoin pour cela de constituer autour d’elle une Europe unie, forte et neutre, ce qui exige le renforcement de l’axe franco-allemand.
L’Allemagne, pays de 81 millions d’habitants, est la première puissance européenne.
- Son PNB s’est élevé en 2016 à 2 838 Mds€ et à 717,5 Mds€ au premier trimestre 2017, ce qui représente 28% du PNB de la zone € contre 21% pour la France : sa production de richesse est donc 34% plus élevée que celle de la France, pour une population 23% plus importante.
- Les exportations allemandes représentent 46% de son PNB, contre autour de 30% pour les autres principaux pays européens, 17,6% pour le Japon et 12,6% pour les Etats-Unis. L’Allemagne, d’après l’OMC, a réalisé, en 2014, 7,9% des exportations mondiales de marchandises contre 12,3% pour la Chine, 8,5% pour les Etats-Unis, 3,6% pour le Japon, 3,1% pour la France. Pour les services, l’Allemagne représente un part moindre des exportations mondiales : 5,4%, contre 13,9%pour les Etats-Unis, 6,8% pour le Royaume-Uni, 5,4% pour la France, 4,7% pour la Chine et 3,2% pour le Japon. Contrairement à une idée répandue, la valeur ajoutée allemande représente 75% de la valeur des exportations du pays, ce qui relativise l’idée selon laquelle il y aurait une forte intégration industrielle internationale, notamment entre l’industrie allemande et celle de l’Europe orientale. Enfin, les exportations sont très supérieures aux importations et l’Allemagne a dégagé un excédent courant d’environ 297 Mds$ en 2016, devant la Chine (245 Mds$), et cet excédent a représenté plus de 8% de son PNB.
- D’après les statistiques de la Banque Centrale Européenne, le taux de chômage était en Allemagne en juin 2017 à 3,8% de la population active contre 9,2% pour la zone €, les dépenses publiques devraient être à l’équilibre en 2017 et les dettes publiques ne représentent plus que 66% du PNB.
Au global donc, l’Allemagne est un grand pays dont la richesse est enracinée dans une industrie exportatrice.
Par conséquent, l’Allemagne est exposée à l’international, soit aujourd’hui à la menace protectionniste américaine et au Brexit.
À ces menaces de court terme s’ajoute une autre de moyen terme, celle de la dislocation de la zone € dont elle tire un grand bénéfice en raison de l’avantage compétitif qu’elle a tiré des réformes Hartz-Schröder face à une Europe latine engluée jusqu’à très récemment dans un socialisme clientéliste mortifère.
Coût unitaire de la main d'œuvre (en %)
A long terme, l’Allemagne craint le déclin de sa démographie couplé à celui de l’Europe orientale et de l’Europe du Sud : leurs populations additionnées pourraient être réduites de plus de 20% d’ici à la fin du siècle alors même que l’Europe pèse 60% des exportations allemandes. La France est, avec la Belgique, le seul pays de la zone € dont la population devrait croître sur cette période, de l’ordre de 10%.
Ces trois horizons, court–moyen-long terme, contraignent l’Allemagne à renforcer ses débouchés partout dans le monde, ce qui ne peut se faire qu’au prix d’une neutralité politique qui apparaît aujourd’hui incompatible avec l’alliance avec les Etats-Unis.
Ces derniers se sentent en effet menacés dans leur suprématie par la montée de puissances régionales agressives et souvent abritées par la possession de l’arme nucléaire : ils exigent donc de leurs alliés un alignement strict sur leur diplomatie qui devient elle-même plus incisive.
Face à cette situation, la Realpolitik allemande consistera à s’éloigner des Etats-Unis et à constituer autour d’elle une Europe unie, forte et neutre. Cela impliquera aux allemands de beaucoup concéder, mais ils le feront, et la mise en œuvre de cette politique est pour maintenant, tant le Brexit et les fragilités de l’économie italienne font craindre pour l’avenir de la Communauté européenne.
Dès les élections allemandes passées, c’est-à-dire dès le mois d’octobre, tout ira très vite : union budgétaire restreinte, plan de relance européen de l’investissement, Europe de la défense, extension de l’action de la BCE à la gestion de la parité de change de l’€.
Cette feuille de route exige le renforcement de l’axe franco-allemand.
- Pour l’opinion publique allemande, ce dernier ne peut se faire sans que la France tienne son budget et se réforme. Dans ce contexte, il n’y a donc aucune chance pour que Macron cède sur l’un ou l’autre de ces points : l’enjeu est historique dès lors que l’on considère que cette voie est celle qui sied à notre pays.
- En contrepartie, il n’y aura pas, comme en 1963, de préambule au traité d’alliance européen. Il est probable qu’un chancelier allemand, et la classe politique dans son ensemble, ne voit pas les choses de la même manière selon que la capitale est à Bonn ou à Berlin : à Berlin, on est plus loin de l’Atlantique, plus proche de la Baltique et de l’Europe orientale, et l'on y sent plus que sur le Rhin la menace russe ; tout rappelle la grandeur et le tragique de l’histoire.
Pour Angela Merkel, ce sera le dernier round, l’heure de la grande décision a sonné : « Alea jacta est ».
Et si ce projet aboutit, l’Europe sera au monde du 21ème siècle ce que la Suisse a été à l’Europe du 20ème siècle : une zone de stabilité dans un monde instable, un refuge pour les capitaux du monde entier.
L’investisseur avisé et long terme en tirera lui-même les conclusions qui s’imposent.