Le ballet des robots (partie 2) : notre obsolescence programmée
Deliveroo est un modèle de développement rapide d’un service. Avec des millions d’utilisateurs dans le monde, les données sont traitées en temps réel pour satisfaire des clients. Ce système fonctionne aujourd’hui avec de nombreux livreurs mais qu’en est-il de demain lorsque les drones auront pris leur travail ?
Les robots ne sont plus simplement les automates soudeurs dans les lignes de production de Peugeot, ils sont innombrables et regardent le monde de leurs capteurs. En effet, ils ne peuvent communiquer avec leur environnement qu’en récupérant et traitant ces informations. Aujourd’hui, cette information est tellement dense que de nouveaux acteurs sont mêmes apparus pour apporter des solutions à cette difficulté : calculer vite. Outre l’apparition grand public des clouds, le big data est un problème de notre société. Toujours plus d’informations transitent et demandent à être gérées. Par ailleurs, les ingénieurs ne se soucient plus de l’impact énergétique conséquent que ce traitement demande. Comment est-on passé d’une société manuelle à une société technique ? Quelle est l’évolution de la population active dans le monde ? Ira-t-on travailler demain ? Toutes ces questions se regroupent autour du thème de la robotique.
Introduction au Big Data
Nous avons commencé notre première partie sur les robots en expliquant que ces derniers utilisaient un certain nombre de capteurs et traitaient l’information en temps réel pour effectuer bêtement leur action. Hier, en usine, un robot soudeur était composé de trois ou quatre capteurs qui lui permettaient surtout de connaitre sa position dans l’espace. Aujourd’hui, la majorité des robots industriels sont fournis de centaines de capteurs en tous genres. Car oui, il n’est plus seulement nécessaire de connaitre sa position mais tout indice qui permettrait de connaitre son environnement devient un indispensable. Prenons pour exemple une voiture automatique. Pour manœuvrer en sécurité, elle a besoin de radars longue portée, de courte portée, de capteurs infrarouges, de caméras, de capteurs de pressions etc. On pourrait croire que toute information est bonne à prendre mais est-ce vraiment le cas ? Pourquoi les constructeurs de robots préfèrent-ils actuellement avoir plus et pas mieux ? Si l’on compare un homme à un robot, nous remarquons pourtant que nous-mêmes arrivons à vivre pleinement avec un nombre limité d’informations. Pourquoi un robot ne peut-il pas faire de même ?
Pour répondre à ces questions, nous allons regarder ce qu’est le big data. Définir le big data, c’est comparer une utilisation classique de l’information – ce que l’on peut imaginer – avec une utilisation actuelle – ce qui est trop grand à concevoir. Les différences sont :
- Le volume échangé: on ne parle plus de gigabit de données mais de yottabit de données[1] (soit un million de milliard de fois supérieure – 1023). On estime par ailleurs que 90% de toute l’information créée l’a été dans les deux dernières années et que d’ici à 2035, le monde créera cinquante fois plus de données qu’aujourd’hui.
- L’instantanéité de l’information: au lieu de la traiter dans des temps courts, quelques secondes hier, elle est traitée quasi-instantanément, environ quelques nanosecondes – 10-9s – aujourd’hui. De plus, l’augmentation de la puissance de calcul, l’utilisation du traitement en parallèle et l’amélioration constante des processeurs permettent, pour un coût énergétique toujours plus élevé (équivalent à deux cents centrales à charbon), de mettre en relation de plus en plus de scalaires. Enfin, cette information est transférée à la vitesse de la lumière dans les fibres optiques et fait le tour de la terre en moins d’une seconde, il est donc possible de savoir tout n’importe quand.
- La variété de l’information: hier, les capteurs récupéraient des scalaires qui représentaient des valeurs physiques, une distance, une température. Aujourd’hui, ils doivent traiter des concepts abstraits comme les photos, le goût, les données non structurées …
Après avoir introduit le concept du big data, revenons aux robots. Comme nous l’avons dit, ces derniers créent et utilisent l’information. Hier comme aujourd’hui, les usines qui veulent rester dans la compétition se doivent de créer cette information, de la récupérer, de la traiter et de l’utiliser. Enfin, et dans une moindre mesure, l’information doit être compréhensible pour un être humain pour qu’il puisse prendre des décisions raisonnées. Néanmoins, vouloir récupérer une information et la traiter n’est pas un concept nouveau, dès l’âge de pierre, les hommes dessinaient les animaux qu’ils avaient tués pour en faire leur référencement. Aujourd’hui, les robots sont régis par ce que l’on appelle les indicateurs clés de performance, KPI en anglais, qui dictent les décisions des managers. Ces KPIs reposent en partie sur l’agrégation de millions de données quotidiennes et requièrent donc une infrastructure extrêmement développée.
Enfin, un concept devient de plus en plus populaire : le jumeau numérique. Le but de ce système est de représenter un système réel et de lui appliquer numériquement les mêmes interactions que le système physique mais dans l’espace numérique. Cela permet d’une part de prévoir à moyen terme l’évolution du système physique mais aussi de comparer les données réelles et les données numériques. EDF par exemple a mis en place un jumeau numérique de tout le parc nucléaire français pour avoir une vue d’ensemble de direction de ce pôle énergétique français.
Nous avons donc expliqué comment les entreprises jonglaient avec les robots et l’information mais toutes évidemment achètent ces différends produits à des entités que vous connaissez bien. La robotique utilise du matériel informatique performant dont le marché est mené par les multinationales telles que AMD, Intel, IBM, Amazon etc.
Nos métiers vont-ils disparaitre ?
Lorsque les robots ont commencé à remplacer les employés dans les entreprises, un mouvement de panique a pris le dessus. Les uns prétendants que le chômage allait augmenter, les autres prévoyants que de nouvelles tâches seraient créées. Finalement, en France, on a remarqué une diminution du travail peu qualifié, le nombre d’ouvriers passant de 30% à 20% de l’emploi entre 1982 et 2018 et une augmentation du travail de plus haute qualification, le nombre de cadres passant de 8% à 18% sur la même période[3]. La robotisation des entreprises n’est bien sûr pas le seul facteur expliquant ces chiffres mais en fait partie. Pourtant, nous ne sommes pas totalement robotisés, doit-on redouter de nouveaux changements dans nos entreprises ?
Principalement, la robotique a pour but de remplacer les tâches répétitives. Selon une étude de 2013[4], plusieurs métiers à risque ont alors été identifiés :
Ces chiffres se rapportent à la population américaine en 2010. Il s’avère que sur ces neuf premières catégories, plus de 17% de la population peut subir un changement forcé et radical de son métier. Cela veut dire que si elle ne s’adapte pas par le biais de formations ou de reconversions, l’emploi peut disparaitre totalement.
Une autre étude de 2016 fait le même constat mais compare cette fois-ci les pays entre eux en les classant par taux de risque élevé d’automatisation de l’emploi :
Il vient de l’étude de ces données plusieurs conclusions :
- Il est important de prendre ces résultats avec des pincettes car ils se basent sur des hypothèses fortes sachant que la technologie évolue trop vite pour faire des projections à long terme.
- Il est de plus en plus important pour les travailleurs de pouvoir se reconvertir ou éviter des métiers à risque tels que ceux citer plus haut.
- Tous les pays industriels sont touchés, même ceux qui ont beaucoup d’avance en matière d’organisation industrielle comme la Corée. En effet, d’après ces chiffres, un quart de la population active de ce pays devrait réfléchir à complexifié son travail.
- Avec un impact aussi important, les politiques telles que le revenu universel prennent elles tout leur sens ? Le Canada, par exemple, a déjà commencé à tester ce système depuis plusieurs années.
- Certains pays qui avaient mis en place une politique de petits boulots comme l’Allemagne peuvent en payer les frais dans les prochaines décennies – il est estimé qu’en 2016, cinq millions d’Allemands avaient pour seuls revenus des petits boulots (~500€/mois).
Doit-on alors s’inquiéter ? Ce ne sont pas mes recommandations mais celles de toute étude qui traite du sujet : pour ne pas avoir peur que son travail soit automatisé, il faut se rendre non automatisable, par exemple, apporter de la valeur non répétitive ou qui est en lien avec l’imagination. Mieux encore, si vous avez la possibilité de le faire, vous pouvez vous former gratuitement à l’informatique sur des sites tels que OpenClassroom ou chez certaines universités mondialement reconnues. Ces MOOCS permettent parfois, en plus, d’être diplômé de la formation et de vous aider à trouver du travail.
Comme nous l’avons vu, il est très difficile de prévoir à moyen et long terme l’impact de la robotisation sur l’emploi. D’une part par ce que la robotique évolue, et d’autre part, par ce que la demande évolue encore plus vite. Si vous suivez les autres éditos, nous utilisons souvent de multiples exemples qui montrent que la société dans laquelle nous vivrons demain n’a rien à voir avec celle dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Pour préserver nos emplois et ceux de nos enfants, l’État doit fournir une formation adaptée aux problématiques de demain même si un jour, nous n’aurons plus besoin de travailler.
Bibliographie :
[1] Statista, Big data : le volume de données crées va exploser, Statista Digital Economy Compass 2019, 2019
[2] https://www.top500.org/system/179807/
[3] Insee, Évolution de la part des catégories socioprofessionnelles dans l’emploi total, 2018
[4] Étude de Frey et Osborne, 2013
[5] Arntz et al., 2013
[6] Conseil d’orientation pour l’emploi, Automatisation, numérisation et emploi, janvier 2017