Le blues allemand
Pendant des décennies, la politique a prévalu sur la monnaie des pays du sud de l'Europe : instrumentalisées par des pouvoirs le plus souvent clientélistes et les monnaies des pays latins ont perdu leur valeur intrinsèque.
Hiboo a toujours pensé qu’il n’y avait aucun risque que les pays du sud de l’Europe quittent la zone euro :
Les italiens, les espagnols, les portugais, les français n’accepteront jamais de voir convertir leurs salaires, leurs retraites et leur patrimoine d’euros en pesetas, en lires, en escudos ou en francs français.
Comme les grecs, ils préfèreront toujours traverser une terrible récession.
Pourquoi ?
Dans ces pays, pendant des décennies, la politique a prévalu sur la monnaie : instrumentalisées par des pouvoirs le plus souvent clientélistes, les monnaies des pays latins ont perdu leur valeur intrinsèque.
En Allemagne, en revanche, le Mark était considéré comme un élément aussi important pour la propriété de chacun que l’état de droit pour la liberté de chacun. Et comme la propriété est un des fondements les plus importants de la liberté, la Bundesbank devait être aussi indépendante du pouvoir politique que la Cour Constitutionnelle.
Le Mark est ainsi devenu non seulement une monnaie forte, mais également une garantie pour le citoyen allemand face au pouvoir politique.
Aujourd’hui, la politique monétaire laxiste de la BCE inquiète la population allemande.
Demain, la mise en œuvre par les pays latins de politiques budgétaires expansionnistes, adossées à la garantie de refinancement de la BCE, leur fera franchement peur.
Cette peur s’ajoutera à celle que fait déjà peser l’immigration massive en Allemagne de populations d’une autre culture et d’une autre religion.
La tentation sera alors grande pour les allemands de :
- quitter la zone euro
- rejoindre le groupe de Visegrad.
*Il était attrayant pour un allemand de convertir son salaire, sa retraite et son patrimoine de l’Euro au Deutsche Mark. Ceci lui paraîtra désormais comme nécessaire pour défendre sa propriété et donc sa liberté.
On lui expliquera que ce n’est pas dans l’intérêt de son économie : la prospérité autrefois de l’ex RFA et aujourd’hui de la Suisse ou de la Suède voisines disent le contraire.
*Il était gratifiant pour les allemands, avec leur douloureuse histoire, d’accueillir des migrants ; les actes de terrorisme et la médiatisation de viols, les interpellent : Les Erythréens, Syriens, Irakiens et Afghans peuvent-ils durablement intégrer l’Allemagne ou menacent-ils son identité ? S’il faut pour l’Allemagne attirer une main d’œuvre, les pays plus à l’est (Pologne, Ukraine, Moldavie, Bulgarie etc.) en regorgent, mais européenne et donc plus facilement assimilable. S’il faut aider le Moyen Orient et l’Afrique où la démographie explose, ce n’est, de toutes les manières, pas possible parce que les candidats à l’immigration se comptent par dizaines de millions.
L’Allemagne est mûre pour rejoindre l’Europe de Visegrad, celle qui dit non à l’ouverture des frontières … mais qui refuse également l’extension de la gouvernance européenne.
L’Allemagne est sur les rives du Rubicon : si elle le traverse, c’en sera fini de la construction européenne.De l’autre côté de la rive l’attendent maintenant beaucoup de pays d’Europe : Lettonie, Estonie, Lituanie, Slovénie, Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie, Autriche, Italie et … Royaume Uni.
L’Angleterre s’est très mal engagée dans le Brexit : Elle n’y était pas préparée et son retrait du marché européen risque de lui coûter longtemps très cher. Mais une sortie de l’Allemagne de la zone euro permettrait d’envisager la fin de l’Europe « auto-administrée » et la naissance d’un nouveau marché commun, c’est-à-dire d’une vaste zone de libre échange sans contrainte de politique générale associée. Une divine surprise pour le Royaume britannique qui s’y associerait naturellement.
C’est une très mauvaise nouvelle pour la construction européenne que le Royaume Uni puisse trouver là un levier lui permettant de renverser la situation : l’histoire nous enseigne que ce pays n’a jamais échoué dans ce genre d’exercice.
Et en dehors d’Europe :
Les Etats-Unis font désormais reposer leur axe militaire sur la Pologne ainsi que sur les pays de l’Est de l’Europe et ne veulent pas d’un euro concurrent du dollar.
La Russie ne souhaite pas l’émergence d’une puissance politique européenne.
Toutes les puissances du monde préfèrent une Europe divisée.
Face à cette grande coalition, on trouve :
- Mme Merkel, mais elle est affaiblie : la victoire en Italie des mouvements anti-européens et favorables à une relance keynésienne trouve son origine directe dans la politique de rigueur qu’elle a imposée à l’Europe du Sud. La montée d’une droite nationale en Allemagne résulte largement de la politique migratoire excessive qu’elle a imposée à son pays.
- La France : L’analyse française est la suivante :
Les pays de l’Europe sont menacés :
- Par leur dépendance aux matières premières et en particulier aux hydrocarbures :
Jusqu’à présent, les Etats-Unis garantissaient la sécurité de l’approvisionnement de l’occident en provenance du Moyen Orient comme les guerres en Irak l’ont clairement montré. Aujourd’hui ce n’est plus le cas : l’Amérique est autosuffisante en hydrocarbures et lassée par la négligence des européens sur leurs budgets militaires.
L’approvisionnement en gaz russe est moins assuré : les revendications de Moscou sur d’anciens territoires de l’empire pourraient d’autant plus le menacer que la Chine devient un client alternatif pour les ressources énergétiques de Sibérie.
- Par leur dépendance au dollar pour la plupart des transactions commerciales hors d’Europe et des financements internationaux, alors même que les Etats-Unis mettent de plus en plus de conditions à l‘utilisation de leur monnaie qu’ils sanctionnent par une compétence extraterritoriale de leurs juridictions.
- Par leur dépendance à la Turquie alors que ce pays retient près de 4 millions de réfugiés, essentiellement syriens, qui rêvent de l’eldorado européen.
Seule une « Europe Puissance » peut affronter ces défis.
Pour la bâtir, une Europe à géométrie variable est la seule solution avec un noyau dur soudé par un budget, une défense et des institutions en commun.
Le combat pour l’Europe n’est pas équilibré (les forces en faveur de la sortie de l’Allemagne sont plus nombreuses) et il a débuté : l’affaire des migrants n’est pas nouvelle. Il n’est probablement pas innocent que la CSU menace la coalition gouvernementale au moment même où le couple franco-allemand annonce la mise en œuvre d’un projet commun d’avion de combat et souhaite présenter un projet de budget pour la zone euro.
La stratégie adoptée par Mr Macron est la même que celle qu’il a utilisé pour prendre le pouvoir en France : renverser le modèle politique.
Mr Macron ne passe plus par l’Europe à 25. Il propose une intégration forte à l’Allemagne. Aux pays qui le souhaitent de s’y joindre : la France et l’Allemagne ont bâti un projet d’avion de combat et dans un second temps seulement d’autres pays demandent d’y adhérer. Mais ces adhésions valent soumission au projet élaboré par le couple franco-allemand. Le chemin choisi est celui du premier de cordée, pas de la collégialité.
La réussite de cette stratégie implique de convaincre l’Allemagne d’aller dès maintenant de l’avant avec un projet très ambitieux ; en effet les conditions sont favorables avec :
- les menaces de Mr Trump sur l’Allemagne, sur son industrie automobile, mais également sur la protection de l’OTAN.
- la popularité très forte en Allemagne de Mr Macron qu’il consolide par des réformes emblématiques en France.
Le Président français a-t-il une chance d’aboutir ? Ou bien se heurtera-t-il comme le général de Gaulle à des oppositions irréductibles en Allemagne (préambule du 15 juin 1963 imposé par le Bundestag au traité franco-allemand) ?
Sur le papier, c’est mal engagé. Mais il a un immense avantage : dans un monde déboussolé, il propose un chemin.
Pour l’investisseur « top down » :
- Celui qui croit à la réussite du projet européen s’intéressera aux sociétés que cette intégration favorisera. Les valeurs liées à la défense seront portées par les projets de matériels communs : l’investisseur pourra donc lire notre étude sur Dassault Aviation et lorsqu’elle sortira dans quelques semaines notre étude sur Thales.
- Celui qui pense que l’Allemagne quittera l’Euro pourra s’intéresser à toutes les valeurs françaises sur lesquelles nous avons publié des études : dans cette hypothèse la bourse de Paris montera vivement.
- Celui qui pense que les choses resteront en l’état avec une Europe divisée et impuissante pourra s’intéresser à nos études sur les valeurs dont le destin n’est pas lié à l’Europe parce qu’elles sont mondialisées comme LVMH, Bureau Veritas ou Danone.
L’investisseur « bottom up » négligera toutes ces considérations générales et se concentrera sur notre liste de valeurs recommandées.
Bonne lecture.