Le cave se rebiffe
L’Amérique a deux concurrents qui menacent sa suprématie : l’euro et la Chine.
L’Amérique a deux concurrents qui menacent sa suprématie : l’euro et la Chine.
L’euro constitue une réelle alternative au dollar tant au niveau des transactions commerciales qu’en tant que monnaie de réserve. En effet, la monnaie européenne est adossée à un marché de services et de marchandises, mais également à un marché financier important, fluide et régi par un état de droit stable.
Par ailleurs, la détention et l’usage de l’euro ne sont pas potentiellement menacés par la mise en œuvre d’une politique. La probabilité que la communauté de la zone euro réussisse à développer, comme les Etats-Unis, une extraterritorialité juridique est nulle : les divisions entre les pays de la zone contraignent durablement l’Europe à l’impuissance et donc à la neutralité. Dans ce cadre, c’est donc paradoxalement la faiblesse politique de l’Europe qui constitue sa force financière, alors même que l’hégémonie du dollar risque d’être remis en cause par son accession, depuis l’effondrement de l’URSS, à un imperium sans partage.
Contrairement à l’euro, le Renminbi (Yuan) ne devrait pas constituer une alternative crédible au dollar car la Chine n’offre pas aux détenteurs de capitaux un état de droit protecteur. Il est d’ailleurs frappant de voir que beaucoup de groupes chinois emblématiques ont leur siège social hors de Chine pour se protéger de l’arbitraire politique : Tenscent, Alibaba, 51 job, Anta sport, Baidu, Cheung Kong, Geely automobile sont immatriculés aux îles Cayman.
En revanche, la Chine développe une puissance militaire qui menace de concurrencer l’Amérique.
Déjà hier, l’Angleterre a montré que la puissance maritime était la clé de la domination mondiale ; aujourd’hui où les échanges mondiaux se sont développés au point d’imbriquer toute la production mondiale dans une toile complexe d’interactions, cet axiome s’impose encore plus. Hors à ce jour, seuls les Etats-Unis sont en mesure de maintenir une flotte partout dans le monde tant cet outil d’une part nécessite un apprentissage long et soutenu pour bien fonctionner et d’autre part implique un financement important : rien ne coûte aussi cher qu’une flotte militaire.
L’autre élément stratégique de la puissance est aujourd’hui l’espace : le fonctionnement des sociétés modernes numérisés, mais également des armées, repose sur l’échange d’informations et donc sur les communications : la maîtrise de l’espace, et donc des satellites, assure désormais la maîtrise du monde.
La Chine devrait d’après la banque mondiale, réaliser un PIB, en 2018, égal aux deux tiers de l’américain, et supérieur de 25% si on le calcule en parité de pouvoir d’achat. Forte de ce développement économique, elle a aujourd’hui les moyens de financer une force tant navale que spatiale qui pourrait à terme menacer la suprématie américaine :
- La Chine possède dès aujourd’hui la deuxième flotte de combat au monde par le tonnage.
- Après être allé sur la lune, la Chine prépare, d’après le site géopolitique-géostratégie, une expédition sur Mars, le déploiement de son système de navigation et de positionnement « Beidou » au niveau mondial avec 35 satellites et le développement d’une capacité de surveillance de l’espace et de son infrastructure satellitaire.
Mais aujourd’hui, face à ces deux menaces pour l’imperium américain, rien n’est joué :
- La zone euro est ébranlée par la montée des populismes.
- La Chine n’a pas encore la technologie de ses ambitions : elle ne maîtrise, semble-t-il, ni le catapultage d’avions indispensable pour l’efficacité des porte avions, ni la propulsion nucléaire assurant l’autonomie des flottes et la discrétion des sous-marins.
Mais le temps est désormais compté pour l’Amérique. Alors elle se rebiffe :
Face à la montée de la puissance chinoise, elle réplique sur deux fronts :
Le front économique avec le protectionnisme : L’objectif est d’affaiblir l’économie chinoise pour compliquer le financement de l’effort militaire.
Le front stratégique avec l’objectif de fragiliser l’approvisionnement de la Chine en matières premières, et particulièrement en hydrocarbures : cela implique de contrôler ou déstabiliser les pays producteurs de matières premières qui ont un accès terrestre avec la Chine, donc à l’abri de la flotte américaine. L’intervention américaine en Irak, la guerre en Ukraine, l’opposition à l’Iran résultent peut-être de cette stratégie.
Pour ce qui est de la zone euro, je serais très étonné que l’Amérique ne soit pas à la manœuvre. Evidemment on craint toujours de tomber dans une pensée « complotiste » avec ce genre de raisonnement assez simpliste. Mais je reste tout de même étonné par les tentatives de déstabilisation qui touchent simultanément Emmanuel Macron et Angela Merkel et ce alors même qu’ils ont prévu de proposer des avancées institutionnelles et budgétaires pour l’Europe et qu’un programme franco-allemand pour la réalisation d’un avion de combat vient d’être signé et ce d’autant qu’il ne s’agit pas d’un simple avion : le SCAF (Système de combat aérien du futur) a pour objet faire fonctionner en réseau des avions, des drones de combat, des moyens spatiaux, des missiles hyper véloces, des système de commandement et de renseignement.
Quelle mouche a piqué le ministre de l’intérieur allemand, président de la CSU pour monter au créneau sur l’immigration à ce moment là ? Il aurait pu prendre parti depuis au moins deux ans sur ce sujet.
Comment expliquer la soudaine remontée d’affaires anciennes comme celle sur les comptes de campagne (théâtre de Bobigny) ou celles impliquant Benalla ou celle touchant le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler ? S’agit-il de l’arrivée à maturité naturelle d’un travail d’investigation journalistique ou quelqu’un transmet-il des informations documentées à des journalistes au moment jugé opportun ?
De tout cela rien n’est sûr. Mais on peut probablement tirer l’enseignement suivant :
1° : L’intérêt des Etats-Unis est d’empêcher l’émergence d’un compétiteur sérieux en Asie, car cela menace leur sécurité à long terme, et d’un rival pour le dollar, car c’est précisément le privilège du dollar qui leur permet de financer leur effort militaire lui-même à la source de leur sécurité. Dans les deux cas, il s’agit donc d’intérêt vital.
La stratégie des Etats-Unis ne dépend donc pas de Mr Trump. S’il est remplacé demain, elle ne variera pas, du moins dans ses objectifs. La particularité avec Mr Trump, c’est qu’il joue cartes sur table.
2° : En conséquence, nous n’en avons donc pas fini avec les surprises politiques et le plus probable est qu’elles aient des conséquences sur les marchés financiers, surtout si l’euro est attaqué au travers du couple franco–allemand.
Toute crise est une opportunité pour qui possède des liquidités à investir. Je recommande donc à mes chers lecteurs de conserver une réserve de capital disponible, mais surtout de ne pas l’investir en obligations, en raison des risques sur l’inflation aux Etats-Unis et sur le système monétaire européen.
Voilà qui n’est pas simple comme équation : comment avoir une trésorerie disponible sans l’investir en produits de taux ?
◊ J’ai déjà rencontré ce problème dans ma vie d’investisseur et je me souviens l’avoir résolu en investissant dans des actions solides, peu exposées à la conjoncture et offrant un fort rendement.
Vous trouverez sur le site hiboo de bonnes analyses sur ce genre d’actions, que nous appelons valeurs de rendement : il y en a de très solides comme Orange ou Total.
Mais quand la crise est survenue, les actions solides et non cycliques avec lesquelles je pensais m’abriter, ont presque autant baissé que le marché. Quand les gens ont peur ou besoin de liquidités, ils ne comptent plus et en face personne n’achète car tout le monde attend d’y voir plus clair.
◊ Certains investisseurs préconisent de placer la trésorerie dans un contrat d’assurance-vie en fonds dits en euro : il s’agit de fonds à dominante obligataire qui bénéficient d’une garantie en capital de la part des compagnies d’assurance.
Sur le papier, c’est judicieux. Mais l’euro peut disparaître, soit à cause de la crise italienne (ce qu’hiboo ne croit pas ne serait-ce que parce que l’Italie a un compte débiteur de 450 Mds€ dans les livres de la BCE), soit à la suite d’un retrait de l’Allemagne (ce qui est la principale crainte de hiboo, on notera d’ailleurs que l’Allemagne à un crédit de plus de 900 Mds€ dans les livres de la BCE). Je ne vois pas alors quelle compagnie d’assurance pourrait tenir ses engagements.
Je ne crois pas non plus une seconde que, dans l’état d’esprit actuel des populations européennes sur la finance, les états viennent secourir ces compagnies d’assurance avec l’argent des contribuables : les fonds en euro seront bloqués quelques années, le temps que les choses rentrent dans l’ordre, ou remboursés avec une forte décote.
◊ D’autres investisseurs recommandent les placements en or.
C’est également judicieux : la Chine est réputée acheter de l’or par tombereaux entiers, ce qui soutient les cours ; aux Etats-Unis l’inflation menace, ce qui est toujours bon pour l’or ; l’euro sert aujourd’hui de réceptacle à des capitaux en quête de sécurité, s’il est menacé, ils pourraient se réfugier sur l’or.
Mais le pire n’est pas sûr : l’Europe pourrait sortir définitivement de la crise grâce à une solide reprise en Italie, la Chine et les Etats-Unis pourraient s’accorder, la remontée des taux américains pourrait réduire progressivement le risque d’inflation.
Ou le pire pourrait prendre la forme suivante : la FED affrontée à une inflation trop forte monte les taux à un niveau très élevé et l’économie entre en récession en 2019.
Dans ces différents scenarios, que fera l’or ? Il baissera probablement fortement.
Pour comprendre qu’en réalité un placement en or est spéculatif, j’invite le lecteur courageux à lire, dans la rubrique mode d’emploi, notre brève formation : « Quelques notions sur le placement : les deux sortes de placement (1/5) ».
Je recommande donc à l’investisseur rationnel d’éviter l’or comme réserve de trésorerie.
◊ Des investisseurs, plus avertis que la moyenne, utilisent les produits dérivés pour protéger leur portefeuille à défaut de constituer une réserve de trésorerie. Ils achètent des options de vente sur l’indice ou sur les valeurs qu’ils détiennent en portefeuille.
Par exemple, vous avez des actions Peugeot qui valent 24 €. Vous achetez pour 1€ le droit de les vendre pendant 4 mois à 22€ ce qui limite votre perte potentielle à 2€ par action.
Le problème est alors double ; d’une part tout peut aller bien, les actions Peugeot montent à 30 et vous avez perdu 1€ par action ; d’autre part tout peut effectivement aller mal, mais le cinquième mois, juste après la fin de votre contrat et alors cela n’a servi à rien car vous n’êtes plus protégé. Alors bien sûr, on peut renouveler la protection, mais sur un an cela risque de coûter 3 €, sur 2 ans, 6 € etc.
Pour le dire autrement, sauf à être un acteur spécialisé sur ce marché et maîtrisant bien les fluctuations de volatilité, dès lors que la volatilité à court terme des marchés est plus de deux fois supérieure à leur pente à long terme, il n’est pas rentable dans un marché rationnel de chercher une protection structurelle à court terme.
En conclusion, comme nous l’avons souvent dit chez hiboo, il n’y a que deux attitudes possibles :
- Soit vous êtes un investisseur dit « bottom up » : dans ce cas vous investissez à long terme dans des sociétés performantes et vous refermez le grand livre des peurs et des avidités. Mais attention long terme s’exprime en décennies : vous plantez un arbre, pas une fleurs. A cet égard, je remarque que toutes les fortunes, ou presque, ont été bâties par des investisseurs longs, de Warren Buffet aux Bettencourt. Si vous êtes dans ce cas, vous pouvez faire une sélection parmi nos valeurs recommandées et choisir celles qui vous plaisent, en privilégiant les valeurs de croissance.
- Soit vous êtes un investisseur dit « top down », et alors je vous recommande d’avoir une trésorerie disponible pour profiter plutôt que subir les crises : aujourd’hui, vous la conserverez idéalement en cash, à vous de choisir en quelle devise : Livre sterling, euro ou Yen. Les solutions les plus simples sont généralement les plus robustes.