Le nucléaire, la solution contre le réchauffement climatique ?
Le nucléaire civil a maintenant soixante-dix ans, la technologie a évolué lentement et un nombre très faible d’États l’utilise. Néanmoins, un des objectifs de la COP21 est de réduire notre dépendance aux énergies fossiles telles que le pétrole et le charbon. Le nucléaire et les énergies renouvelables ont tous les avantages pour être développés dans les prochaines années. Nous allons voir quelles sont les prochaines étapes de l’industrie de l’atome dans un contexte international protecteur.
Le 30 novembre 2015 s’ouvrait la 21ème conférence mondiale sur le changement climatique, la COP21. Pendant deux semaines, 195 pays ont été représenté dans le but de trouver une direction, un cap vers lequel ils devaient s’engager afin de respecter un objectif commun. Le 11 décembre, cet objectif a été décidé et approuvé : limiter le réchauffement mondial à une hausse de 1.5°C à 2°C de la température moyenne d’ici à 2100. D’après BP, en 2017, 87% de l’énergie produite provenait d’énergies fossiles, comparée aux 4.8% de nucléaire ainsi qu’aux 11.2% des énergies renouvelables[1]. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur ces dernières mais nous allons ici nous concentrer sur le nucléaire. Comment la technologie a-t-elle évolué depuis les années 50 ? Quels sont les pays qui produisent ou voudraient produire cette énergie ? Enfin, le nucléaire de demain est-il la solution pour suivre l’objectif fixé par l’ONU ? C'est ce que nous allons voir dans cet édito.
Introduction au nucléaire
Bien que les premiers réacteurs aient été construit pour valider la théorie de la fission des atomes, on peut dire que le réacteur d’Obninsk (Union Soviétique) fût le premier, en 1954, à produire une quantité suffisante d’énergie pour être considéré comme une centrale électrique. Il permettait de fournir 5MW, soit l’équivalent de la puissance mécanique d’un TGV.
Aujourd’hui, 441 réacteurs sont en service et produisent 390 000 MW d’électricité, soit 5% de la production mondiale[1][2]. Pour rappel, une centrale nucléaire produit de l’électricité par fission d’atome. Le combustible étant le plus souvent de l’uranium enrichi ou du plutonium, matière que l’on ne trouve que dans vingt pays à l’état naturel.
La réaction au cœur des centrales est en fait un équilibre. D’une part, les atomes se fissurent - relâchent de l’énergie (celle qui est récupérée) et de quoi fissurer d’autres atomes, d’autre part, un modérateur permet, comme son nom l’indique, de faire en sorte que la réaction ne s’emballe pas. Pour récupérer l’énergie, celle-ci est contenue dans le caloporteur – un liquide ou un gaz. Ce caloporteur va passer par des cycles d’échange thermique et enfin faire tourner un alternateur comme dans une centrale hydro-électrique.
Ainsi, on différencie les centrales par leur caloporteur et leur modérateur. Comme on peut le voir sur ce graphique, actuellement, les réacteurs les plus utilisés sont les REP : réacteurs à eau pressurisée. On peut citer par exemple l’utilisation majoritaire de cette technologie pour nos EPR ; l’utilisation de l’eau légère et modération graphite à Tchernobyl ; ou encore l’utilisation de réacteur à eau bouillante à Fukushima (REB). Toutes ces technologies ont leurs inconvénients et leurs avantages. Pour n’en citer qu’un, les REB sont moins coûteux. Enfin, les générations actuelles ont un rendement d’environ 30% ce qui est plus faible que les énergies fossiles (environ 40%).
Acteurs du nucléaire
La technologie nucléaire a toujours été un sujet délicat en géopolitique. Les approvisionnements en matières premières (dont le Canada est le premier exportateur avec 30%), l’exploitation de l’installation nucléaire à des fins civiles puis la gestion des déchets radioactifs, toutes ces thématiques ont fait couler beaucoup d’encre depuis un demi-siècle. En 1968, le traité de non-prolifération des armes nucléaires est signé devant l’ONU par 191 États. Seuls l’Inde, le Pakistan, Israël et le Soudan du Sud ne l’ont pas signé.
Certains articles de ce traité visent à encourager le développement de la technologie nucléaire civile à tout pays, aidé par les puissances qui l’ont déjà acquise. Ainsi, juridiquement, chaque pays signataire a un droit inaliénable à développer la recherche, la production et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques.
Néanmoins, aujourd’hui, seuls trente-et-un pays ont des réacteurs en service ; les cinq plus grands producteurs étant les États-Unis, la France, la Chine, le Japon et la Russie. Évidemment, de telles installations coutent chères et sont moins flexibles que les centrales à énergies fossiles. Pourtant, pour revenir à l’objectif mondial de maintien de la température, l’agence internationale de l’énergie (IEA) a calculé qu’il faudrait augmenter la production d’énergie nucléaire de 20GW par an pour atteindre 2°C, soit environ 20 nouveaux réacteurs par an[3] – ajoutons que « 20 réacteurs » ne signifient pas forcément 20 centrales, une centrale peut avoir plusieurs réacteurs.
Regardons le nombre de construction en cours. Dans le monde, 53 réacteurs sont actuellement en développement, et ce depuis 36 ans.
En particulier, depuis 2015, seuls 4.8 projets de réacteurs sont débutés par an, ce qui est très largement en dessous de l’objectif visé.
On remarquera toutefois que les pays qui accèdent à l’énergie nucléaire (en vert) voient leur répartition de production électrique transformée. En effet, l’entrée de l’énergie nucléaire correspond en moyenne à 19% de leur production nationale. Ces pays tels que la Turquie, la Biélorussie, Taïwan ou encore le Bangladesh gagnent alors une certaine autonomie énergétique dans des zones où la géopolitique leur est souvent défavorable.
Vers une alternative à la fission
Comme nous l’avons vu, entre difficultés géopolitiques, volonté nationale et facilité d’accès des énergies fossiles, il est peu probable que l’objectif de décarbonisation soit tenu, en tout cas, pas en utilisant simplement l’énergie nucléaire.
Cependant, depuis 1986, un nouveau projet pharaonique est né : le projet ITER[4] (International Thermonuclear Experimental Reactor). Ce projet vise à démontrer le potentiel énergétique de la fusion nucléaire. À la différence de la fission, cette réaction utilise des éléments légers et abondants tels que le deutérium et le tritium. Vous l’aurez reconnu, cette réaction est celle que l’on retrouve dans les étoiles.
Depuis le début de la fission nucléaire, la fusion a toujours été regardé de près mais la technologie est beaucoup plus difficile à mettre en place à cause des conditions extrêmes de température et de pression qu’il faut réunir. Des structures dites « Tokamak » ont vu le jour dans des universités et des laboratoires, sans jamais réussir à produire une quantité suffisante d’énergie. Le projet ITER vise à dépasser le seuil de rentabilité, seuil au-delà duquel plus d’énergie est créée par le réacteur que consommée.
Bien que le projet international soit soutenu par trente-cinq pays, les scientifiques ne pensent pas que cette source d’énergie puisse être civilement utilisée avant 2100.
Chaque heure, le soleil produit autant d’énergie que l’espèce humaine en consomme en une année. Reproduire cette force nous assurerait à coup sûr une indépendance énergétique[5][6]. En attendant, les autres énergies renouvelables telles que l’éolien, l’hydrolien et le solaire ont toutes des technologies qui se perfectionnent, permettant d’atteindre de meilleurs rendements, des coûts de production plus faibles, etc. Avec le nucléaire, elles permettront demain de réduire notre utilisation des énergies fossiles.
Pour finir, rappelons que le nucléaire, même si nous l’utilisons tous les jours, n’est pas un standard dans le reste du monde. Son accès est contrôlé et seule une dizaine d’entreprises dans le monde est capable de construire ces centrales. Elles permettent une indépendance énergétique et une réduction des émissions à effets de serre et sont donc potentiellement de bons acteurs pour éviter un trop grand réchauffement du climat. Néanmoins, cette énergie ne pourra pas réussir seule. L’utilisation de ressources renouvelables est indispensable avant que de nouvelles technologies rebattent les cartes de la production mondiale.
Je vous conseille par ailleurs la courte série HBO Chernobyl qui retrace la catastrophe nucléaire du point de vue soviétique.
Bibliographie :
[1] BP Statistical Review of world energy, 11 juin 2019, http://www.bp.com/statisticalreview
[2] International Atomic Energy Agency, https://www.iaea.org/; https://pris.iaea.org/
[3] International Energy Agency – Tracking Power – Nuclear Power, mai 2019, https://www.iea.org/reports/tracking-power-2019/nuclear-power#abstract
[4] Projet ITER, https://www.iter.org/fr/accueil
[5] Échelle de Kardachev, https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89chelle_de_Kardachev
[6] Boule de Dyson, https://fr.wikipedia.org/wiki/Sph%C3%A8re_de_Dyson