Le grand changement
Le Royaume Uni a voté le Brexit. Les Etats-Unis ont voté Trump. Une même manière de dire non à une ouverture à tous les vents de leurs pays.
Le Royaume Uni a voté le Brexit.
Les Etats-Unis ont voté Trump.
Une même manière de dire non à une ouverture à tous les vents de leurs pays.
Il y a maintenant 36 ans, ces deux pays avaient initié simultanément un autre grand changement de cap : Thatcher, élue en 1979, et Reagan, en 1980, avaient dit non à la socialisation de leurs pays.
Thatcher et Reagan furent élus au pic des taux d’intérêt, le Brexit et Trump arrivent au creux.
En 2016 comme en 1980, la classe moyenne se rebiffe : l’excès d’inflation (pic des taux) avait alors laminé son pouvoir d’achat par les prix, aujourd’hui l’excès de déflation (creux des taux) le lamine par les salaires : aux Etats-Unis, à 56 516 dollars en 2015, le revenu médian d'un foyer est 2,4% en-dessous de son niveau en 1999.
L’inflation des prix fut éradiquée par le libre marché. La déflation des salaires sera combattue par une réduction de la libre circulation des marchandises, des hommes et des capitaux.
Cette fois encore, les autres puissances suivront-elles le mouvement ? C’est le plus probable… et les européens ne seront pas les derniers.
Alors, où ce grand changement nous mène-t-il ?
- D’abord les salaires monteront, ce qu’ils n’ont pas fait depuis 25 ans : la limitation de la circulation des hommes, et donc de la main d’œuvre, réduira la concurrence sur les emplois. Dans un premier temps, cette hausse des salaires augmentera le pouvoir d’achat et donc la demande, ce qui favorisera les entreprises. Dans un second temps, elle réduira les marges des entreprises : l’écart de richesse diminuera alors naturellement au sein des pays développés, les détenteurs du capital devenant moins riches et les fournisseurs de travail étant mieux rémunérés.
- Ensuite, aiguillonné par la hausse de la demande couplée aux entraves qui seront mises sur la circulation des marchandises, le niveau d’inflation augmentera. Cette hausse de l’inflation sera très variable selon les pays : ceux dont les mesures protectionnistes seront moindres et/ou dont la monnaie s’appréciera en pâtiront le moins.Le retour de l’inflation fera monter les taux d’intérêts et baisser le prix des actifs. Cette réflation générale sera l’occasion de réduire une dette devenue partout excessive, mais tous ne saisiront pas cette opportunité.
- Enfin, l’entrave sur les mouvements de capitaux contraindra le recyclage de l’épargne de l’Orient et de l’Extrême-Orient vers l’Occident. Les détenteurs de cette épargne seront contraints de la réinvestir chez eux, et exigeront alors de leur pouvoir politique, avec un succès variable, l’établissement des conditions de droit qui la sécurise. Les pays ayant vu naître ces dernières années une bourgeoisie, et n’ayant pas fondé un état de droit qui la protège, seront alors menacés de troubles politiques.
Ce grand changement, initié par les pays anglo-saxons, menace l’ordre établi depuis les années 1980. Il rencontrera donc de nombreuses et fortes oppositions. Le plus probable est qu’au bout de la route, il les surmonte. L’histoire est cyclique et l’heure d’un nouveau cycle est arrivé, on le lit partout dans les urnes.
L’été, sur les plages, les enfants bâtissent des châteaux de sable contre la montée de la marée : c’est un combat perdu d’avance. L’homme avisé doit se préparer à vivre une autre saison et s’y adapter : on ne porte pas les mêmes vêtements l’hiver que l’été.
L’investisseur à court et moyen terme recherchera donc les entreprises qui seront le plus favorisées sur son horizon de placement par la réflation attendue de l’économie : celles qui ont des dettes, celles qui bénéficient de la hausse des taux et/ou de la demande.
L’investisseur à long terme cherchera à protéger son capital d’un retour de l’inflation :
- Il investira en dehors des actifs sensibles à une hausse de l’inflation et des taux d’intérêts : pas d’obligations, ni d’immobilier.
- Il évitera les actions d’entreprises où la main d’œuvre représente une part significative de la valeur ajoutée et celles qui ont un niveau d’endettement structurellement élevé.
- Il n’investira pas dans des entreprises fortement exposées à l’économie de pays où l’état de droit n’est pas assuré.
- Il privilégiera les entreprises qui ont un « pricing power » ou qui réalisent l’essentiel de leurs bénéfices dans les pays les plus susceptibles de résister à la pression inflationniste, c’est-à-dire les pays à monnaie forte.
On a souvent intérêt à fuir les classements de performance. Le placement d’un capital doit plutôt être abordé comme un examen que comme un concours. L’investisseur avisé comprendra que la stratégie de l’investisseur à court et moyen terme devrait être plus rémunératrice mais il sait que toute prévision est incertaine. Il optera donc pour la stratégie de l’investisseur à long terme : quoiqu’il arrive, elle sera récompensée.