L’Italie
Dimanche prochain, les italiens voteront pour renouveler le parlement (chambre des députés et sénat) : ces élections en Italie n’entraîneront aucune réforme, mais peut-être un choc sévère sur les marchés financiers. Comme cela a été souvent exprimé dans nos éditos, hiboo craint plus, pour les marchés, une mauvaise surprise politique qu’économique. Une victoire des extrêmes le weekend prochain en Italie n’est pas probable. Mais avec l’élimination de la coupe du monde de football, tout est désormais possible en Italie...
Dimanche prochain, les italiens voteront pour renouveler le parlement (chambre des députés et sénat) : ces élections en Italie n’entraîneront aucune réforme, mais peut-être un choc sévère sur les marchés financiers.
L’Italie est la troisième économie de la zone euro (15% du PIB de la zone).
Cette économie se caractérise par :
- Une industrie forte (avec 16% du PIB, l'Italie est la deuxième puissance industrielle derrière l’Allemagne) en particulier dans les secteurs de la machine-outil, du textile, de la sidérurgie et de l’agro-alimentaire.
- Un capitalisme familial ancré dans un vaste réseau d’ETI et de PME, souvent regroupées en « districts industriels », avec un haut degré d’intensité capitalistique, une production ciblée et une part importante de leur activité à l’exportation.
- Un solde commercial élevé de 78 Mds€ en 2016 (56% des exportations de l’Italie sont à destination de l’Union Européenne).
- Un secteur touristique très important (10% du PIB).
- Un secteur bancaire fragmenté et fragilisé par un stock important de créances douteuses (18% des crédits). Mais la santé du système bancaire s’est nettement améliorée au cours de l’année 2017 après la recapitalisation de la Banque Monte di Paschi di Sienna et la liquidation de deux grandes banques vénitiennes par l’État.
Le pays se caractérise par :
- Des contrastes régionaux importants, entre le Nord développé, industrialisé et très dynamique, le Centre, autour de Rome, dominé par le secteur tertiaire et les fonctions politiques de la capitale, et le Sud, le Mezzogiorno, plus rural et qui souffre d’un taux de chômage élevé (de l’ordre de 14 %) et de la présence de la mafia.
- Une démographie déclinante : -0,14% en 2016.
- Un chômage très élevé chez les jeunes : 32,7% chez les jeunes de 15-24 ans en novembre 2017.
- Un secteur public peu efficace, notamment dans la perception des impôts.
La crise a durement marqué l’Italie :
- La dette publique est passée de 100% du PNB en 2007 à 132% en 2017.
- Sur la même période, le PNB a reculé de 5% et le taux de chômage est passé de 6,6% à 10,8% de la population active.
Pourtant le pays a commencé à s’adapter :
Après un plus haut à 97% du PNB au milieu de l’année 2009, les dettes des entreprises sont descendues à 78% en 2017 (106% pour la zone euro et 134% pour la France).
Toujours depuis 2009,
- Le coût du travail a diminué de 13% et les prix à la consommation ont baissé de 8,5% : l’un et l’autre ont retrouvé leur niveau de fin 2002, c’est-à-dire d’il y a quinze ans.
- Après un plus bas à 5,7% du PNB en 2009, le déficit public est en 2017 à 2,1% et est prévu proche de 1,6% en 2018.
- Le solde des comptes extérieurs est passé d’un déficit de plus de 2% du PNB à un excédent d’environ 2,75%.
Au quatrième trimestre 2017, le PNB progressait au rythme de 1,6% par an. La reprise a commencé avec les exportations, puis avec la consommation et s’étend maintenant aux investissements.
A la faveur de la reprise économique européenne, de la faiblesse des prix du pétrole et grâce aux réformes initiées par Matteo Renzi (modération salariale dans la fonction publique avec un gel des salaires depuis 2010, baisse des dépenses du système de santé et réforme du marché du travail), l’Italie se redresse progressivement, mais trop lentement.
Étant donné le poids de la dette publique, une politique déflationniste reposant sur une baisse significative des dépenses publiques et/ou des salaires et/ou une hausse de la pression fiscale n’est pas possible : son impact négatif sur l’activité économique augmenterait encore le niveau de dette rapportée au PNB et ferait entrer l’Italie, comme ce fut le cas de la Grèce, dans une spirale récessive.
Une politique reflationniste n’est pas non plus jouable : l’industrie, si importante dans l’économie et dans l’équilibre des comptes extérieurs, ne supporterait pas la perte de compétitivité qu’elle induirait.
Une dévaluation reflatant l’économie et accompagnée de réformes structurelles permettant de réduire les dépenses publiques (50% du PIB) serait probablement la bonne méthode, mais cela n’est pas possible dans le cadre de l’euro.
Les grands coups de volant sont donc prohibés. Reste un ajustement progressif, déterminé, constant… c’est-à-dire la continuation de la politique actuelle.
Cela est possible et probable. La nouvelle loi électorale adoptée en octobre 2017 apporte une bonne dose de proportionnelle : le texte prévoit en effet l’élection de 225 députés au scrutin majoritaire uninominal (le candidat obtenant le plus de voix est élu) et de 386 à la proportionnelle, ainsi qu’un système similaire pour le Sénat. Ce mode de scrutin impose ainsi, pour gouverner, d’avoir recours à des coalitions et donc de rester dans une politique contrainte. La route est ainsi théoriquement barrée aux alternatives fortes.
Mais le prévisible n’est jamais certain. L’histoire ouvre de temps en temps la porte à l’inattendu. Dans le cas de l’Italie, d’où pourrait-il venir ?
- Habituée aux dévaluations successives, l’Italie n‘a pas pris tout de suite la mesure de l’impact sur son économie de l’euro et a laissé, de 2000 à 2009, augmenter ses coûts de production comme elle était habituée à le faire. La crise de l’euro a sévèrement sanctionné cette dérive. Le pays aujourd’hui se rétablit mais reste convalescent : il ne supporterait pas un nouveau choc et spécifiquement une hausse trop forte de l’euro ou des taux d’intérêts. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’investisseur doit tabler sur une politique monétaire de la BCE plus durablement accommodante que ce qui est généralement anticipé par les marchés financiers.
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L’électorat transalpin est, depuis plusieurs décennies, fragmenté et sans mouvement politique dominant : le plus puissant, le mouvement 5 étoiles, plafonne autour de 30% des intentions de vote. C’est cette fragmentation qui empêche la constitution d’un gouvernement fort et les mesures radicales. Cependant, une surprise est aujourd’hui possible : un tiers de jeunes est au chômage, le sud de l’Italie a été particulièrement touché par la crise économique. Les uns et les autres sont aujourd’hui sans espoir alors même que les italiens, dans leur ensemble, se sentent abandonnés par l’Europe dans la crise des migrants (l’Italie, porte de l’Europe sur l’Afrique, a accueilli 630 000 migrants depuis 2014 et presque 200 000 en 2017).
Comme cela a été souvent exprimé dans nos éditos, hiboo craint plus, pour les marchés, une mauvaise surprise politique qu’économique.
Une victoire des extrêmes le weekend prochain en Italie n’est pas probable. Mais avec l’élimination de la coupe du monde de football, tout est désormais possible en Italie...
hiboo persiste à recommander à ses fidèles lecteurs de détenir une solide réserve de trésorerie pour pouvoir investir en cas de choc sur les bourses.