Make America Great Again
Le marché se trompe : Monsieur Trump mettra en œuvre son programme et l’investisseur doit en tirer les conséquences. Sa politique est lisible : ramener la prospérité pour le plus grand nombre aux Etats-Unis. Il a été élu pour cela et il restera au pouvoir à cette condition. Elle est cohérente avec son analyse des problèmes structurels des Etats-Unis et tire une forte légitimité d’un précédent historique : la politique qu’avait mené en son temps Ronald Reagan. Nous aurons donc bien un « hard Trump » et non un « soft Trump ». L’investisseur doit dès lors impérativement évaluer les impacts potentiels sur l’économie et les marchés de cette politique.
Le marché se trompe : Monsieur Trump mettra en œuvre son programme et l’investisseur doit en tirer les conséquences.
Voilà ce qui explique son élection, tout comme d’ailleurs le succès de Monsieur Sanders :
- Le revenu médian des américains n’a dépassé qu’en 2016 son niveau de 1999.
- Le taux de pauvreté de la population est à 16,8%, équivalent à celui du Mexique, contre 14% pour le Canada et 8,1% pour la France (le taux de pauvreté correspond à la proportion de personnes dont le revenu est inférieur à la moitié du revenu médian de la population totale).
- L’intensité de la pauvreté, c’est-à-dire l’écart relatif entre le revenu moyen des personnes pauvres et le seuil de pauvreté, est très élevée aux Etats-Unis à 40% contre 30% pour le Canada et 24% pour la France.
- L’espérance de vie, enfin, ne progresse plus et se situe à 78,8 années contre 81,7 au Canada et 82,4 ans en France.
(Source : OCDE 2015 pour le taux de pauvreté, l'intensité de la pauvreté et l'espérance de vie, à l'exception de l'espérance de vie au Canada pour laquelle nous n'avons que les données 2013.)
La politique de Monsieur Trump est lisible : ramener la prospérité pour le plus grand nombre aux Etats-Unis. Il a été élu pour cela et il restera au pouvoir à cette condition.
Il identifie trois causes à cette paupérisation d’une partie des américains :
1- Les travailleurs clandestins
Ils prennent les emplois des salariés les moins qualifiés et pèsent sur leurs salaires.
D'après le « Pew Research Center », les Etats-Unis comptaient 11 millions de travailleurs clandestins en 2015, dont majoritairement des travailleurs hispaniques.
Face à cette problématique, les objectifs de Monsieur Trump sont :
- Limiter le regroupement familial au conjoint et aux enfants mineurs.
- Instaurer un fonds de 25 Mds$ pour renforcer la sécurité aux frontières (dont la construction d'"un mur frontalier massif" avec le Mexique).
- Ouvrir une voie d’accès à la citoyenneté américaine pour 1,8 million de sans-papiers entrés illégalement aux États-Unis.
2- Le déficit commercial
Il contribue à réduire la croissance, à peser sur les salaires et à désindustrialiser les Etats-Unis.
Avec certains pays, ce déficit est très élevé et structurel, ce qui signifie qu’il repose sur des distorsions de la concurrence, en raison de la sous-évaluation d’une monnaie ou de l’intervention d’un état (subventions, réglementations).
Le déficit de la balance des échanges s’est creusé en 2017 à -566 Mds$. Il a augmenté de 11% par rapport à 2016 et représente environ 3% du PIB des Etats- Unis (Source : SEAFEA, Service Économique de l’Ambassade de France aux Etats-Unis).
Le seul déficit commercial a atteint, en 2017, son plus haut niveau depuis 2008 à 810 Mds$ : il provient surtout de la Chine (375 Mds$ en 2017), du Mexique (71 Mds$ en 2017), du Japon (69 Mds$ en 2017) et de l’Allemagne (64 Mds$ en 2017) (Source : SEAFEA).
Les Etats-Unis enregistrent leurs plus forts déficits dans le secteur de l'automobile et des équipements automobiles (-185 Mds$ en 2016), des produits informatiques et électroniques (-171 Mds$ en 2016), des hydrocarbures (-88 Mds$ en 2016) et de l'habillement (-80 Mds$ en 2016) (Source : SEAFEA).
En 2017, une des plus fortes augmentations d’importations a été enregistrée dans le secteur des métaux (+15 % à 92 Mds$) (Source : SEAFEA).
Du côté des exportations, on note que le Mexique et le Canada sont de loin les principaux importateurs de produits américains avec une peu plus de 500 Mds$ en cumulé en 2017. La Chine n’importe qu’environ 100 Mds$ de produits américains (Source : SEAFEA).
Face à cette problématique, les objectifs de Monsieur Trump sont logiquement de :
- Peser sur, mais préserver, les relations commerciales avec les pays qui importent le plus de produits des Etats-Unis et sont donc nécessaires au bon fonctionnement de l’économie : le Mexique et le Canada.
- Réduire et idéalement inverser le déficit énergétique en favorisant l’exploitation d’hydrocarbures, notamment non conventionnels, aux Etats-Unis.
- Contraindre les principaux exportateurs de voitures (les allemands) à produire aux Etats-Unis.
- Contraindre la Chine à réduire son excédent commercial avec les Etats-Unis en augmentant la part de produits américains qu’elle importe et en réduisant ses exportations, en particulier celles dont les conditions concurrentielles sont considérées comme déloyales.
- Réduire l’importation de produits sidérurgiques.
3 - L’attractivité insuffisante des Etats-Unis comme terre de production
Cela s'explique par une fiscalité sur les ménages et les entreprises trop élevée et des infrastructures très dégradées.
À 35%, l’impôt sur les bénéfices aux Etats-Unis était parmi les plus élevés parmi les pays développés.
Les investissements publics annuels en infrastructures ne représentent que 2,6% du PIB aux Etats-Unis, contre 9% en Chine et 5% en moyenne en Europe.
Le service économique de l’ambassade de France aux Etats-Unis écrit : « Le coût lié aux effets négatifs pour l’économie représente entre 175 et 500 Mds$ annuels (coûts liés à des pertes de productivité, gaspillage de carburant, etc...), et pourrait doubler d’ici 2020 et être multiplié par 5 d’ici 2040.».
Monsieur Trump :
- A abaissé l’impôt sur le revenu par le passage de 14 à 7 tranches et réduit l’impôt sur les bénéfices à 21%, soit l'un des taux les plus bas de l’OCDE. Ces réductions d’impôts ont pour contrepartie une réduction des niches fiscales.
- Veut investir 1 000 Mds$ sur dix ans dans les infrastructures, financés par 200 Mds$ de financement public fédéral et le solde par des partenariats public-privé adossés à des obligations à fiscalité avantageuse.
Comme on peut le voir, la politique de Monsieur Trump est cohérente avec son analyse des problèmes structurels des Etats-Unis. De plus, cette politique tire une forte légitimité d’un précédent historique : la politique qu’avait mené en son temps Ronald Reagan.
Sur l’immigration clandestine : il avait durci les sanctions contre l’emploi d’immigrés clandestins et régularisé la situation de près de 3 millions de personnes via l'Immigration Reform and Control Act (IRCA).
Sur le plan commercial : il avait mis en œuvre un programme de défense commerciale ciblé sur les pays ayant les relations les plus déséquilibrées avec Washington.
Comme le relate le service économique de l’ambassade de France aux Etats-Unis : « L’administration Reagan avait instauré des droits de douane élevés, de respectivement 45 % et 100 %, sur les motos (1983) et certains produits électroniques comme les télévisions et les ordinateurs (1987) en provenance du Japon, et négocié des restrictions volontaires des exportations (RVE) japonaises dans le secteur automobile à partir de 1981. »
Sur l’attractivité du territoire, il avait premièrement réduit (1981) puis plafonné (1986) l’impôt sur le revenu à 28%. Pour les sociétés, il avait fait passer l’impôt sur les bénéfices de 46% à 34%. En contrepartie de ces baisses d’impôts, de nombreuses niches fiscales avaient été supprimées.
Monsieur Trump est convaincu de la cohérence et de la légitimité de son action. Et il a d’autant plus intérêt à la mettre en œuvre rapidement que ce sont des mesures très populaires et que :
- Il est menacé d’impeachment et plus il sera déstabilisé par les enquêtes judiciaires, plus il ira vite sur le front des mesures populaires.
- Les élections de Midterm au Congrès auront lieu cet automne (novembre 2018).
Nous aurons donc bien un « hard Trump » et non un « soft Trump ». L’investisseur doit dès lors impérativement évaluer les impacts potentiels sur l’économie et les marchés de cette politique.
Elle n’aura clairement pas les mêmes effets que sous Reagan :
Lorsque Ronald Reagan arrive au pouvoir, la croissance américaine est proche de 0% en 1980, l’inflation est à 12,3%, le taux de chômage est à 7,2%, la dette fédérale représente 31,1% du PIB (Source : Réserve Fédérale de St Louis).
Lorsque Monsieur Trump arrive au pouvoir, l’économie vient de connaître un de ses plus longs cycles d’expansion depuis la deuxième guerre mondiale et croît de 1,8% en 2016, l’inflation est à 2,1%, le taux de chômage est à 4,7%, la dette fédérale représente 105,7% du PIB (Source : Réserve Fédérale de St Louis).
La politique de Reagan avait du sens à moyen et long terme. De plus, à court terme, elle a été contra-cyclique avec, pour l’inflation, la politique restrictive de Paul Volcker, directeur de la Fed de 1979 à 1987 : en septembre 1981, le 10 ans US atteint 15,84%.
La politique de Monsieur Trump a du sens, mais il faudra du temps pour qu’elle porte des fruits :
Le protectionnisme se heurtera à la fragmentation internationale des processus productifs qui a considérablement augmenté le contenu en importations des biens produits sur un territoire.
La politique expansionniste en faveur de l’emploi et de la réduction de l’immigration se heurtera à une population américaine de chômeurs souvent sous-qualifiée, voire victime de problèmes de santé, et notamment d'une addiction aux médicaments antidouleur contenant des opioïdes. L'on peut citer entre autres l'étude d'Alan Krueger, "Where Have All the Workers Gone ? An Inquiry into the Decline of the U.S. Labor Force Participation Rate" qui relève que la moitié des hommes en âge de travailler mais sans emploi aux Etats-Unis prend tous les jours des médicaments contre la douleur, avec une participation au marché du travail qui a le plus chuté dans les régions où la surprescription d'opioïdes est plus forte.
En revanche à court terme, c’est une politique pro-cyclique. Elle va :
- Prolonger le cycle d’expansion.
- Creuser le déficit budgétaire, ce qui fragilisera le marché obligataire.
- Creuser le déficit extérieur, ce qui fragilisera le dollar.
- Accentuer la remontée de l’inflation (hausse des salaires + mesures protectionnistes) ce qui fragilisera le dollar et le marché obligataire.
Les Etats-Unis ont déjà de forts déficits budgétaires et extérieurs et un niveau d’endettement public très élevé. Il est dangereux de les accentuer.
Une crise financière est donc possible et peut-être même probable aux Etats-Unis avec la conjonction d’une crise sur la dette américaine et sur le dollar.
Mais, contrairement à l’époque de Reagan, le monde est aujourd'hui en voie de multi-polarisation.
Cela signifie qu’une telle crise n’entraînera pas nécessairement une baisse générale des prix des actifs mondiaux, mais pourrait déboucher sur une rotation des actifs de taux américains vers des marchés «plus sûrs» (Japon, Europe, voire Chine).
- hiboo recommande donc d’éviter d’investir dans les société exposées aux marchés de taux américains (souvent les financières), qui exportent vers les Etats-Unis une partie significative de leur production ou qui sont exposées au dollar.
- Les sociétés exportatrices américaines (avec idéalement une couverture pour le dollar) et les sociétés domestiques européennes pourront être privilégiées.
- L’investisseur conservera une trésorerie significative en euro ou en yen pour pouvoir investir en cas de choc sur les marchés.