Notre avenir n’est pas domestique mais international
Pourquoi avons-nous tant besoin de frontières mais aussi tant besoin de les traverser ?
Depuis des millénaires, chaque être humain a délimité une zone à l’intérieur de laquelle il est « chez lui », sous-entendu les autres ne peuvent pas entrer sans son autorisation. Il trouve rassurant d’avoir ainsi sa cellule personnelle (son habitation) puis, par cercles concentriques successifs, ses autres zones de vie (quartier, village, département, région, pays, continent…) sachant que plus le cercle est éloigné, plus le degré de confort est faible. Le nombre de cercles « rassurants » diffère d’une personne à l’autre, certains n’allant pas au-delà de leur région alors que d’autres sont à l’aise dans une zone beaucoup plus large.
Les frontières des pays ont bougé au cours des temps suite aux alliances ou aux guerres, mais ces frontières ont été régulièrement franchies par les hommes qui commerçaient, voyageaient, guerroyaient… D’ailleurs, n’est-ce pas un paradoxe que de créer des frontières…pour les franchir allègrement !
En fait, peut-être pas…
Dès le début de l’humanité, certains « mâles alpha » ont jeté leur dévolu sur des territoires, les ont conquis puis imposé leurs lois. Au fil du temps ces territoires ont été transformés en baronnies, comtés, duchés, royaumes, états… Leurs chefs les ont défendus tout en dénigrant leurs voisins, en convoitant leurs territoires ou les envahissant. Leurs populations ont été élevées dans l’idée que « chez nous, c’est bien mieux qu’ailleurs », créant ainsi un fort sentiment d’appartenance ce qui a permis de fédérer les populations.
Ce sentiment d’appartenance, profondément ancré dans notre histoire et notre culture, est rassurant pour certains…mais sclérosant pour d’autres !
Rassurant car un territoire trop grand peut faire peur alors qu’un territoire restreint rassure car il est maîtrisable. Une taille limitée permet de bien le connaitre ce qui diminue l’incertitude et donc l’angoisse. Une partie de la population préfère vivre ainsi dans ces territoires restreints mais rassurants ; leur vie quotidienne se cantonne donc à leur région, voire leur pays, mais au-delà...danger ! Notons que la taille considérée comme « rassurante » d’un territoire, dépend beaucoup d’un individu à l’autre : pour certains c’est leur village, d’autres leur région, d’autres leur pays, d’autres leur continent…
Sclérosant pour ceux qui sont plus aventuriers, qui trouvent que les frontières de leur territoire d’origine sont trop étroites, qui sont conscients qu’établir des liens étroits avec les autres territoires est indispensable à la bonne santé économique du leur, … Leur terrain de vie quotidienne va donc bien au-delà de leur seul pays. Ils trouvent dans le continent voire le monde un territoire qui leur convient mieux. Ils franchissent régulièrement les frontières.
On pourrait comparer les premiers aux « fermiers », c’est-à-dire à des gestionnaires de proximité alors que les seconds seraient plutôt des « chasseurs » c’est-à-dire ceux qui, plus audacieux, partent à l’aventure pour aller chercher et rapporter dans leur territoire les ressources manquantes.
Chaque pays a besoin de ces deux types de population dont les rôles se complètent. Mais en cas de danger, d’incertitude, de crise, d’épidémie… le repli sur soi, alors prôné par les populistes qui préfèrent les territoires restreints, devient le réflexe naturel de survie. Cette réaction est peut-être naturelle, mais est-ce la bonne réaction ? Lors de ces périodes difficiles, nous nous rassurons à trouver un responsable et trouvons souvent plus facile de l’identifier à l’extérieur de notre territoire : cela fédère plus fortement la population autour de ses dirigeants. Mais d’une part la source du problème n’est pas forcément à l’étranger, et d’autre part notre salut est possiblement à l’étranger. Hormis les cas tels les épidémies où un contrôle plus strict des mouvements de personnes s’avère indispensable pour protéger la santé publique, se renfermer sur nous n’est pas toujours la bonne solution.
En effet, depuis la seconde guerre mondiale, la globalisation s’est accélérée (échanges de biens, de services, de personnes, d’idées, de technologie… entre les différents pays de la planète) et la démographie mondiale s’est fortement accrue.
Les économies des pays de la planète sont imbriquées les unes aux autres et dépendent les unes des autres. De même, les dirigeants politiques et économiques ont créé de multiples forums d’interactions entre les pays : ONU, UE, OTAN, WTO, IMF, G20,…
Il devient donc extrêmement difficile pour un pays de se retirer de ce jeu mondial sous prétexte que l’éventuelle solution de leurs problèmes serait de s’isoler.
Certes la mondialisation n’a pas supprimé les conflits, les tensions, les crises, la pauvreté… mais elle a grandement amélioré la croissance du PIB mondial et particulièrement celui des pays en voie de développement, a diminué le nombre de conflits (l’Europe a rarement eu une période aussi longue sans guerres), a diminué (mais malheureusement, pas éradiqué) la pauvreté dans le monde.
La récente polémique suite à la pose du drapeau européen sous l’Arc de Triomphe m’a paru très symptomatique. Certes, elle a eu lieu pendant une campagne électorale et donc les candidats avaient intérêt à créer une polémique pour tenter de déstabiliser le président actuel. Mais cette polémique n’honore pas ceux qui l’ont lancé. En effet, de nombreux soldats étrangers ont perdu la vie chez nous en venant nous aider à protéger notre pays. Ce drapeau m’apparait donc comme un bel hommage rendu à tous ces soldats français et étrangers qui ont perdu la vie, chez nous et pour nous, mais dont le sacrifice a permis la création d’une Union Européenne en paix depuis près de 80 ans ! Cet Arc de Triomphe a été construit pour honorer les soldats des campagnes napoléoniennes or les armées de l’empereur n’enrôlaient pas que des gaulois !
Continuons donc à nous intéresser aux pays étrangers, à comprendre leurs points de vue et ne pas imposer les nôtres, à nouer des relations de confiance qui nous serons utiles lors des crises, à envoyer nos enfants y étudier ou y travailler… Notre avenir et notre sécurité dépendent autant de l’étranger que de nous-mêmes. Bien sûr nous devons défendre nos intérêts mais pas au point de mettre à mal ces relations internationales dont nous avons tant besoin.
Notre avenir n’est pas domestique mais international !
Matthieu Lacaze