Pour ou contre l’€
L’appartenance de la France à la zone € fait débat. Ceux qui sont opposés à cette appartenance sont dénigrés dans tous les médias. Une telle unanimité interpelle. Que signifie appartenir à la zone euro ? Faut-il en être ou ne pas en être ?
L’appartenance de la France à la zone € fait débat.
Ceux qui sont opposés à cette appartenance sont dénigrés dans tous les médias. Une telle unanimité interpelle.
Que signifie appartenir à la zone € ?
La zone € est une zone de libre circulation des hommes et des capitaux, avec une monnaie commune.
Les capitaux sont constamment à la recherche de l’utilité marginale maximale : ils circulent donc dans la zone € au gré des avantages compétitifs offerts. Les hommes font la même chose, mais avec une fluidité moindre, en raison de la diversité des langues, des cultures et des climats qui freine leur mobilité.
Les pays les plus attractifs attirent donc les capitaux d’abord, les hommes ensuite. Les pays les moins attractifs les perdent.
Ce phénomène de circulation est visible à l’intérieur même de chaque pays. La France, est depuis la révolution française, une zone de libre circulation des capitaux et des hommes avec une monnaie et une langue commune. Des territoires entiers comme la Creuse se sont vidés au profit de régions plus efficaces comme celles de Lyon et de Paris. Mais dans le cas de la France, l’état met un cautère sur la jambe de bois par le maintien de services administratifs et d’aides sociales, c’est-à-dire par des transferts des régions riches vers les régions pauvres.
Conscients de ce que le sort de la Creuse menace les pays du Sud de l’Europe, nombreux sont ceux qui appellent à des réformes de la zone € pour un fédéralisme européen qui permette la mise en place de tels transferts et/ou des règles sociales et fiscales communes qui entravent la concurrence entre pays et réduisent la mobilité.
Il n’y a pas de probabilité élevée que les allemands acceptent l’une ou l‘autre de ces mesures, qui seraient par ailleurs inefficaces.
Ainsi, avant la réunification, l’Italie du sud était une région riche et Naples une place financière et commerciale dynamique : Mayer Amschel Rothschild y envoie d’ailleurs au début du 19ème siècle un de ses cinq fils pour fonder une banque. La création d’une zone monétaire par la réunification en 1861 a plongé le royaume des Deux-Siciles dans la pauvreté et le racket mafieux qui l’accompagne, et ce malgré l’importance des transferts du Nord vers le Sud et l’existence de règles sociales et fiscales communes pour toute la péninsule.
Quand la monnaie est commune, les pays les moins attractifs d’une zone monétaire ne peuvent pas dévaluer pour compenser un écart de compétitivité.
Trois choix s’offrent dès lors à eux :
- S’appauvrir durablement en capitaux et en hommes,
- S’adapter en devenant plus compétitifs,
- Ou sortir de la zone monétaire.
La France, comme le Sud de l’Europe, est aujourd’hui moins compétitive que le Nord de l’Europe. Si elle ne veut pas connaître le sort du royaume des Deux-Siciles, elle doit donc soit devenir plus compétitive, soit sortir de l’€.
Les deux options sont possibles : en revanche, refuser cette alternative est inintelligent et condamne beaucoup de français à la pauvreté.
C’est pourtant la politique menée, depuis la création de l’€ en 1998-2000 jusqu’à aujourd’hui, par tous ceux qui nous ont gouverné. Le peuple français, avec beaucoup de bon sens, vient de les renvoyer chez eux.
La palme de la bêtise revient aux socialistes. Lorsque nous avons fondé la monnaie commune, nous sommes entrés en compétition frontale avec nos partenaires européens, sans possibilité de correction par la dévaluation. Les allemands ont alors décidé de réduire leurs coûts de production par les lois Hartz Schröder (2003-2005).Les socialistes français, eux, ont choisi de dégrader significativement la compétitivité de l’économie française par la loi sur les 35 heures, applicable dans les entreprises à partir de 2002 et revenant à payer à salaire égal 10 % de travail en moins.
Coût unitaire de la main d'œuvre (en %)
On lit sur le graphique l’impact des 35 heures (2002), des réformes Schröder (2003-2005) et la perte de compétitivité de la France.
La palme de la couardise revient à la droite française qui, consciente de cette ineptie, a choisi l’immobilisme de peur de perdre le pouvoir et ses prébendes.
En être ou ne pas en être ?
Si la France reste dans l’€:
Elle doit soit produire des produits incorporant plus de valeur ajoutée que les produits allemands, ce qui est improbable à court terme, soit réduire ses coûts de production et donc baisser le salaire horaire.
Le salaire moyen mensuel net (équivalent temps plein) était en France en 2014, selon l’INSEE, de 2 253 €. Le coût pour l’entreprise est d’environ le double.
A ce niveau de revenu, la propension à consommer est très élevée.
Une réduction du salaire net contracte donc la consommation :
- Ce qui favorise une réduction du déficit extérieur, mais la zone € ayant des comptes courants très excédentaires, nous ne subissons pas de contrainte externe à court terme. Ce n’est donc pas le plus urgent.
- Ce qui est immédiatement récessif : moins de consommation = moins de croissance = moins de travail = moins de recettes fiscales = moins de dépenses publiques = moins de croissance etc. Le risque est d’entrer dans une spirale récessive.
Ce n’est donc pas une solution idéale.
L’alternative est de réduire les charges pesant sur les salaires.
Elles représentent en France presque l’équivalent du salaire net. Leur réduction n’impacte pas les salaires nets, donc la consommation.
Ces charges financent les dépenses liées à la maladie, à la vieillesse (retraite), au chômage et à la famille.
- On peut certainement améliorer le fonctionnement des services de santé et par là réduire leur coût, mais ces économies nécessaires seront mangées par l’augmentation de la population âgée.
- On peut également transférer les charges liées à la famille sur l’impôt, mais cela réduira la consommation globale, à moins de les transférer sur ceux qui ont la propension à consommer la plus faible, les riches et les retraités, pour en réduire l’impact.
- La réduction des indemnités chômage est peu efficace car sans ces indemnités, le chômeur touche des allocations type RSA et APL dont le coût n’est qu’un peu moindre. Et supprimer ces dernières condamnerait à la misère une part de la population.
- Reste la réduction des dépenses liées à la retraite : si elles passent par un recul de l’âge de la retraite, et non une réduction des cotisations, elles sont indolores puisqu’elles ne rognent pas les revenus et permettent de larges économies.
Il existe un autre moyen de réduire le coût du travail en France sans impacter la consommation : augmenter la durée de travail à salaire constant.
Donc, si la France veut rester dans l’€, elle doit retarder significativement l’âge de départ à la retraite et augmenter la durée de travail à salaire mensuel constant, tant dans le privé que dans la fonction publique.
Il n’y a qu’une alternative rationnelle à ces mesures : sortir de l’€.
Si la France quitte l’€:
Le franc dévaluera du différentiel de compétitivité entre la France et la zone € (6%) + une prime de risque de probablement 10%.
Elle sera alors a priori exonérée de mener les réformes sur le temps de travail et l’âge de la retraite, mais sera en revanche confrontée à la nécessité de réduire son déficit extérieur qui représentait en 2016 47,9 Mds€ pour les marchandises.
Ce solde devrait cependant rapidement s’améliorer par deux effets :
- Le revenu des français diminuera de 16% pour l’achat de biens étrangers ;
- Les exportations françaises gagneront 16% en compétitivité, c’est-à-dire à peu près l’écart de coût de la main d’œuvre qui s’est creusé entre la France et l’Allemagne depuis l’an 2000.
Le deuxième défi pour la France sera le remboursement de sa dette. La dette a été émise en €. Il sera difficile de la rembourser en francs, au moins pour les détenteurs étrangers.
D’après la Banque de France, les étrangers détiennent 56% de la dette publique, soit environ 1 200 Mds€. La France devra donc rembourser 16% de plus sur cette somme, soit 192 Mds€. C’est très cher, mais ce n’est pas insurmontable.
En conclusion :
Si la France veut travailler moins que les autres pays de la zone €, elle peut et elle doit sortir de l’€.
- Mais il s'agit d'une réponse structurelle : sortir de l’€ signifie réduire la contrainte sur la compétitivité en ouvrant la possibilité de dévaluer. Pour un pays comme la France, rétif à la concurrence, la voie de la dévaluation, c’est-à-dire de la facilité, est généralement préférée. Et une dévaluation en appelle généralement une autre.
- Par ailleurs, nous ne sommes pas dans les années 80, et se battre en 2017 sur les prix par des dévaluations dans un monde où les pays émergents sont industrialisés n’est pas nécessairement la meilleure stratégie.
- On remarque également que les pays qui ont une industrie forte sont les pays qui ont une monnaie forte.
On pense généralement que la monnaie forte est la conséquence de l’industrie forte. On néglige souvent l’effet inverse : lorsque la monnaie est forte, l’industriel ne peut pas se battre sur les prix. Il doit augmenter la valeur ajoutée produite pour compenser la hausse du coût de sa monnaie. Pour cela il doit investir dans l’innovation, la qualité, la commercialisation ; il doit créer du « pricing power » ou mourir.
Si la hausse de la monnaie est trop forte et rapide, il n’a pas le temps de mettre en œuvre ce processus de montée en qualité ; son état doit donc l’aider en ralentissant la hausse de la monnaie, sans l’empêcher, et en réduisant son poids fiscal sur l’entreprise pour faciliter son adaptation.
Cet ensemble de contraintes, bien géré, crée un cercle vertueux. L’exemple de Peugeot, dont sa survie a imposé une montée en qualité, est exemplaire.
Disons tout cela autrement :
- Vous avez un enfant qui est doué. Si vous le mettez dans un grand lycée parisien (l’équivalent de la zone €), il sera contraint par une forte concurrence et son niveau scolaire va devenir excellent. Si vous le mettez dans un lycée de qualité moyenne, il risque d’être plus coulant avec ses études et d’obtenir un niveau moyen.
- En revanche, si votre enfant a un niveau moyen et que vous le mettez dans un grand lycée parisien, il va couler, mais sera plus épanoui et performant dans un lycée de son niveau.
Je pense que la France est un élève doué, capable de rester parmi les meilleurs et d’y progresser : elle le vaut bien !
Mais si elle veut suivre ce parcours, elle doit s’adapter. Je vous invite en ce sens à relire l'édito "Macron le réformateur" dans lequel j'essaye de comprendre comment Emmanuel Macron envisage cet ajustement par le haut et s’il peut y parvenir.