Salto va-t-il faire tourner la tête de Netflix, Amazon et Disney + ?
Bien qu’en pleine expansion, le secteur des SVOD (services de vidéos à la demande par abonnement) s’impose déjà comme le divertissement préféré des Français. En effet, les ventes de numérique sont estimées à 933 millions d’euros pour l’année 2019. 720 millions proviennent de la SVOD (77%), 103 pour la VOD et 110 millions pour la VOD locative.
On assiste progressivement à une montée en puissance des services de vidéo en streaming au détriment de la VOD et de la télévision. Dans ce secteur, Netflix est positionné en grand leader avec 56.6% des utilisateurs ayant souscrit un abonnement à leur plateforme. Ce marché grandissant attire énormément d’entreprises qui veulent avoir leur part du gâteau. TF1, France Télévision et M6 y ont vu une belle opportunité afin de contrer l’influence décroissante de la télévision et ont créé Salto.
Une étude à 360° de l’entreprise
Salto est une collaboration inédite entre TF1, France Télévision et M6. Elle a été formée en juin 2018, acceptée par l’administration française et européenne en aout 2019 et son lancement est finalement prévu pour automne 2020. Ils cherchent à offrir un accès en OTT (Over the Top, soit sans l’intermédiaire d’un distributeur) à leurs abonnés pour créer une alternative viable à Netflix et autres, mais aussi pour contrer la décroissance de la télévision qui leur est critique depuis des années (en 2018, Netflix dispose d’une part d’audience plus importante que celle de C8 ou TMC et équivalente à celle de France 5). Pour cela, elle offrira des programmes en direct et des VOD de rattrapage mais aussi des épisodes exclusifs. Afin que l’abonné retrouve les codes télévisuels qui lui sont familiers, chaque chaine de France TV, du groupe M6 et TF1 aura son espace éditorial dédié sur la plateforme. De ce fait, si jamais Salto venait à rencontrer du succès, les différents services de replay des chaines seraient voués à disparaître car n’étant qu’une version béta de la plateforme sans le service de streaming.
Le prix d’un abonnement pourrait varier de 2 à 8 euros en fonction des différents abonnements proposés par Salto tandis que celui de ses rivaux est de 10 à 14 euros chez Netflix, 6 euros chez Amazon et 7 euros chez Disney +.
Des différences qui sautent aux yeux
Bien que Salto affiche très clairement son désir de concurrencer les autres géants des SVOD (services de vidéos à la demande par abonnement), certaines différences les séparent.
Tout d’abord, on constate que les budgets des SVOD en place sont bien supérieurs à celui du service français. En effet, les 250 millions d’euros sur 3 ans font pâle figure face aux milliards annuel de Netflix ou Amazon qui cherchent à obtenir les meilleurs droits de diffusion.
Mais, Salto ne sera pas exactement comme les SVOD classiques. Les chaines télévisées à l’origine du projet pourront apporter leur expérience du marché et leur appui de manière à créer un contenu plus original, mieux le synthétiser et donc le rendre plus convoité.
Salto ne proposera pas seulement des services de vidéos à la demande. Il y aura aussi des programmes en direct et des replays de ces derniers.
Il leur faut donc d’autres éléments afin de bien se différencier des SVOD classiques. Pour cela, l’entreprise compte par exemple cultiver son Made in France. Delphine Ernotte, patronne de France Télévision et initiatrice de ce projet déclare dans un communiqué de presse : « Le lancement de la plateforme nous donnera très prochainement les moyens de jouer sur notre territoire, face aux acteurs internationaux. Et la création française et européenne trouvera ainsi un nouveau moyen de rencontrer son public ». On remarque ici la volonté de Salto de se distinguer grâce aux productions françaises. Alors que les géants de l’industrie misent sur des produits exportables, la collaboration désire se positionner localement. De par sa connaissance du marché, Salto connaît les attentes du public et peut donc adapter son Made in France pour maximiser les vues. De ce fait, ce projet apparaitra comme un SVOD d’une part mais aussi comme une vitrine pour relayer des programmes télévisés français à tous les abonnés d’autre part.
Ainsi, bien que certaines disparités apparaissent dans leur répartition du budget, Salto n’est pas forcement en reste. La plateforme peut s’appuyer sur un modèle légèrement différent des autres qui peut leur permettre d’attirer de nombreux clients. Leur stratégie d’entreprise pourrait avoir comme fer de lance le Made in France très apprécié à l’internationale (la série 10 pour cent est diffusée dans le monde entier sur Netflix et va être adaptée en Italie, au Canada, en Chine …) ou le service Replay relayant les programmes télévisés que certains ont pu rater.
Un tour de force à réaliser
Netflix compte déjà plus de 6 millions d'abonnés en France et Amazon Prime Video a également de beaux arguments à faire valoir. L’apparition de Disney + prévu pour mars 2020 dans l'Hexagone devrait finir de saturer un marché où les multinationales se pressent pour avoir une part de l'appétissant gâteau. Il sera donc difficile pour Salto de s’insérer, même si pas impossible… La collaboration des 3 géants de la télévision française leur donne une exclusivité sur de nombreux programmes qu’ils comptent bien utiliser (10 pour cent, Capitaine Marleau, Plus Belle la Vie…). Cela sera quand même périlleux et il faudra bien s’appuyer sur une stratégie solide pour espérer se créer une place durable.
Par ailleurs, certaines contraintes ont été imposées par l’Autorité de la concurrence française dans le but d’éviter la trop grande puissance des acteurs majeurs. A titre d’exemple, seulement 40 % des contenus disponibles sur Salto (en volume horaire), hors films, pourront provenir des trois groupes français. La plateforme devra donc payer les droits de diffusion de nombreux autres contenus pour avoir un catalogue aux normes. Avec un budget de départ de 250 millions d’euros, Salto aura du mal à concurrencer ses partenaires pour l’achat des droits de diffusion d’autres programmes. De plus, certaines lois françaises vont pénaliser davantage l’alliance audiovisuelle. A titre d’exemple, la plateforme devra acheter des espaces publicitaires sur les chaines des trois groupes de manière à éviter la publicité gratuite (qui est prohibée en France). Ces contraintes pèsent lourdement sur la collaboration : en plus de limiter leur périmètre d’action, elles retardent encore une fois le lancement de la plateforme et repoussent sa mise en ligne à automne prochain (prévu pour début 2020 initialement).
Enfin, d’autres chaines télévisées dans d’autres pays ont eu la même idée que TF1, M6 et France Télévision. En analysant ces autres SVOD nées de collaboration, on ne peut s’empêcher d’être négatif. En effet RTL Group qui a monté TV Now en Allemagne et Videoland aux Pays Bas ne culmine qu’a 1.4 millions d’abonnés pour chacune de ces deux plateformes. Cela démontre la difficulté de s’intégrer dans ce marché qui commence à saturer avec le nombre de nouvelles plateformes en pleine extension.
En conclusion, l’arrivée de salto sur le marché est tardive, ses moyens sont limités et l’Autorité de la concurrence française entrave un développement rapide avec des contraintes mal adaptées à l’environnement concurrentiel mondialisé. En outre, en analysant certaines plateformes créées avec le même modèle, les chiffres ne font pas rêver et on ne peut s’empêcher d’être sceptiques pour « L’Équipe de France de l’audiovisuel ». Le soft power restera américain !
Source :
https://lepetitjournal.com/culture/les-series-francaises-qui-cartonnent-letranger-267650https://www.igen.fr/services/2019/12/netflix-est-la-cinquieme-chaine-de-tele-en-france-112151https://www.programme-tv.net/news/evenement/la-tele-et-vous-television/237875-salto-date-de-lancement-contenus-prix-tout-sur-la-future-plateforme-francaise-de-tf1-france-televisions-et-m6/https://www.numerama.com/pop-culture/540067-salto-a-officiellement-le-droit-dexister-mais-l-alternative-francaise-a-netflix-aura-les-poings-lies.htmlhttps://www.numerama.com/business/534941-salto-les-nouvelles-contraintes-imposees-a-france-tv-tf1-et-m6-naugurent-rien-de-bon.htmlhttps://www.cnetfrance.fr/news/salto-prix-date-de-lancement-catalogue-et-concurrence-ce-qu-il-faut-savoir-sur-le-netflix-a-la-francaise-39891721.htmhttps://www.sudouest.fr/2019/08/12/salto-la-plateforme-video-francaise-censee-concurrencer-netflix-verra-le-jour-en-2020-6437782-4693.phphttps://www.cbnews.fr/digital/image-top-depart-salto-45326https://www.journaldunet.com/media/publishers/1486295-disney-le-lancement-en-france-aura-finalement-lieu-le-24-mars/https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/streaming-le-francais-salto-aura-t-il-sa-place-face-a-la-concurrence-disney-1147066https://www.programme-tv.net/news/evenement/la-tele-et-vous-television/237875-salto-date-de-lancement-contenus-prix-tout-sur-la-future-plateforme-francaise-de-tf1-france-televisions-et-m6/https://blog.ariase.com/box/actualite/services-video-streaming-succes-novembre-2019