Attention, zone de turbulences !
Depuis quelques semaines, les taux américains montent significativement : à l’heure où j’écris ces lignes, le 10 ans US est à 2,78% contre 0,88% pour le 10 ans français. Les investisseurs projettent une baisse du $ et exigent un rendement plus élevé pour acheter de la dette américaine. Après la baisse de 4,6% du Dow Jones, les marchés anticipent une hausse de l’inflation et des taux directeurs. Nous entrons probablement dans une zone de fortes turbulences : « Don’t take the monney and run », gardez vos meilleurs placements à long terme… mais attachez vos ceintures.
Depuis quelques semaines, les taux américains montent significativement : à l’heure où j’écris ces lignes, le 10 ans US est à 2,78% contre 0,88% pour le 10 ans français.
Les investisseurs projettent une baisse du $ et exigent un rendement plus élevé pour acheter de la dette américaine : pour faire simple, l’écart étant d’environ 200 points de base entre le 10 ans français et le 10 ans américain, l’anticipation est une baisse de 20% du $ contre l’€ dans la durée.
La baisse d’une monnaie contre une autre peut avoir 3 causes :
- Les investisseurs projettent une hausse de l’inflation supérieure à celle des autres pays : cette anticipation est cohérente avec les tensions qui se manifestent sur le marché du travail américain et qui laissent présager un niveau de hausse des prix supérieur à celui que l’on devrait connaître en Europe.
- Un déséquilibre de la balance courante : une dévaluation permet alors de rétablir l’équilibre. Or l’économie américaine affiche depuis 1976 un déficit structurel de sa balance commerciale, qui plus est toujours supérieur à 2% du PNB depuis 1999.
- Une simple défiance sur un pays : que l’on soit ou non en faveur de Mr Trump, il paraît raisonnable d’estimer que son mode d’action a généré dans le monde plus d’incertitude et donc d’inquiétude que de confiance. Et une défiance envers une monnaie se concrétise d’autant plus que le stock de la monnaie détenu en dehors du pays est important. Or le $ est une monnaie de réserve et constitue souvent un placement en soi : cela est légitime, les Etats-Unis constituent l’ultime recours au niveau mondial pour un investisseur étant donné leur puissance économique et militaire et la force de leur état de droit. Le stock de $ détenu hors des Etats-Unis, essentiellement sous forme de bons du trésor, est donc très important.
Si on y réfléchit bien, il est assez rare que ces trois causes potentielles de la baisse d’une monnaie soient réunies comme elles le sont aujourd'hui pour le $.
Nous avons aujourd'hui une vision de l’histoire différente de celle qui prévalait auparavant : nous attribuons aux éléments structurels une importance démesurée et nous négligeons l’action de quelques individus sur le déroulement des événements.
Autrefois, c’était l’inverse : toute l’histoire tenait dans les mains de quelques hommes, Alexandre, César, Napoléon, et l'on négligeait les facteurs structurels, la démographie, la technologie, le commerce et l’organisation sociale.
Aujourd'hui, comme le note Patrice Gueniffey dans son excellent livre « Napoléon et De Gaulle », l’effacement des grands hommes du récit historique caractérise l’enseignement de l’histoire.
Nous sous-estimons donc l’impact, en terme de défiance, de Donald Trump et en sens inverse, en terme de confiance, celui d’Emmanuel Macron : l’accession à la présidence de la République française et la politique qu’il a immédiatement mise en œuvre ont ancré dans le monde une confiance nouvelle en l’€. Bien sûr, cela ne constitue pas un jugement sur l’action réelle de l’un ou de l’autre mais un constat sur un ressenti, particulièrement dans la planète de la finance.
Cela signifie donc qu’alors que les nuages s’amoncellent sur le $, il existe pour les investisseurs du monde entier une alternative crédible avec un très large marché : l’€.
Toutes les pièces du jeu sont donc en place pour que des capitaux, en masse et probablement de manière désordonnée, quittent le $ pour se réfugier sur l’€ : l’évolution des parités pourrait alors dépasser l’ajustement rationnel que nécessiterait un différentiel d’inflation ou le redressement d’une balance courante. Le risque est donc celui d’une débâcle du $, non d’un simple retrait vers la zone rationnelle des 1,25-1,30 $ pour 1 €.
Cette débâcle pourrait profiter à l’or, mais pas nécessairement, l’€ étant un réceptacle suffisamment attrayant et porteur de taux d’intérêts.
En revanche, il est probable qu’une forte baisse du $ entraîne une forte correction sur les marchés :
- Elle provoquera une forte tension sur les taux américains qui se répercutera sur la valorisation des sociétés américaines, à l’exception des plus internationales ou exportatrices qui seront également des refuges pour les épargnants.
- Elle entraînera des ventes sur toutes les sociétés exportatrices en Europe et en Asie.
- Elle inquiétera tous les acteurs de marché et devrait motiver des ventes de précautions sur toutes les bourses.
Au bout de la route, les banques centrales s’entendront, dans un accord du Plaza à l’envers, pour stopper l’effondrement du $ et revenir à des parités plus rationnelles.
Ce scénario n’est certainement pas écrit, mais il est aujourd'hui de l’ordre du possible avec une probabilité non négligeable de réalisation. Mon conseil pour les investisseurs est aujourd'hui donc de :
- Vendre les sociétés exposées à une baisse forte du $.
- Vendre toutes les sociétés dont le niveau de valorisation dépasse significativement leur niveau historique en terme de PER.
- Vendre toute obligation libellée en $.
- Constituer une importante réserve de trésorerie (25% du portefeuille) pour pouvoir investir en cas de baisse des marchés.
Ce n’est pas du tout la fin du monde, mais nous entrons probablement dans une zone de fortes turbulences : « Don’t take the monney and run », gardez vos meilleurs placements à long terme… mais attachez vos ceintures.
PS : cet édito a été rédigé avant la baisse d'hier sur les marchés boursiers et n'en constitue donc pas un commentaire.