Avec Stellantis, PSA et Fiat-Chrysler se préparent au futur de l’automobile
Stellantis. C’est le nom qu’ont choisi PSA et FCA pour le groupe automobile qui résulte de leur fusion. Un nom qui évoque les astres, qui assimile le rapprochement des quatorze marques composant ce qui deviendra le 16 janvier le 6ème groupe automobile mondial à une constellation d’étoiles. Le nom a des airs de science-fiction et signale une volonté de modernité, ce qui n’est pas sans rappeler les défis qui attendent la nouvelle entité fusionnée.
Une fusion très attendue
Depuis 2015, Fiat-Chrysler, alors dirigé par Sergio Marchionne, était à la recherche d’un partenaire. Le marché automobile étant en pleine évolution avec le passage à l’électrique et la progression des voitures autonomes, il paraissait évident que gagner en taille serait indispensable pour réaliser les investissements nécessaires. Ces transformations sont d’ailleurs plus rapides que ce que prévoyaient alors les analystes, si bien que les années 2020 sont vouées à « redéfinir la mobilité telle que nous la connaissons », pour reprendre les mots du président de FCA John Elkann, qui n’hésite pas à faire le parallèle entre aujourd’hui et la création de Fiat, dans les premières années de l’automobile. Ajoutons à ce changement de paradigme le choc violent de la crise sanitaire, qui a amputé les deux constructeurs d’environ 30% de leurs ventes en 2020 (et qui fait que Stellantis sera 6ème et non 4ème groupe mondial quant au nombre de véhicules vendus), et nous comprenons que la fusion ne pouvait pas mieux tomber.
Arriver à cette fusion ne fut pas chose simple. En 2019, FCA avait amorcé un rapprochement avec Renault, mais avait retiré son offre assez soudainement, visiblement agacé par les hésitations de Nissan et de l’État français. Au grand dam de Renault, qui était plutôt favorable au projet et dont la situation déjà difficile a été exacerbée par la crise sanitaire, c’est vers PSA que se tourne le constructeur italo-américain fin 2019. L’accord de fusion est signé en décembre de cette année et est soumis aux autorités européennes de la concurrence, qui décident d’ouvrir une deuxième phase dans leur enquête en juin 2020. En attendant le feu vert définitif, les deux constructeurs ne cessent de réaffirmer leur détermination à fusionner en temps de Covid, et annoncent quelques ajustements aux termes de l’accords, comme la réduction de presque 50% des dividendes versés aux actionnaires de FCA, afin de préserver de la trésorerie pour les opérations. En décembre 2020, la Commission donne son accord et le 4 janvier, la fusion est actée par le vote quasi-unanime des actionnaires. La « plus grande fusion de l’industrie automobile depuis son origine », comme la décrit l’ancien président du conseil de surveillance de PSA Louis Gallois, sera effective le 16 janvier.
Complémentarité et synergies
Dans une fusion réussie, la fondation d’une nouvelle entité doit être créatrice de valeur du fait des synergies qu’elle entraîne. Dans le cas de Stellantis, au-delà du nécessaire changement d’échelle et des capacités d’investissement qui vont avec, la fusion permettra également environ cinq milliards d’euros de synergies annuelles. On remarque aussi qu’il y a une certaine complémentarité entre les deux constructeurs. Stellantis regroupera au total quatorze marques occupant des positionnements différents, et recouvrant plusieurs gammes et segments. Ces marques sont implantées souvent de manière régionale. PSA est très bien installé en Europe et au Moyen-Orient tandis que FCA est très présent en Amérique du Nord et du Sud. Seul gros point faible, aucun des deux constructeurs n’a de réelle présence en Chine, le plus gros marché du monde qu’aucun constructeur ne peut se permettre d’ignorer selon Carlos Tavares, actuel PDG de PSA et futur directeur général de Stellantis.
A la complémentarité géographique s’ajoute également une complémentarité des savoir-faire et compétences. Pour reprendre l’analyse de Louis Gallois, la culture PSA est très orientée vers l’ingénierie et les technologies tandis que celle de FCA est plus anglo-saxonne, plus tournée vers l’entrepreneuriat. Réussir à « tirer le meilleur » des deux mondes et se trouver un ADN multiculturel pourrait être un véritable atout pour un groupe opérant partout dans le monde, considère l’ancien président du conseil de surveillance, qui, ayant été à la tête d’Airbus, connaît bien les entreprises aux nationalités multiples.
De plus, malgré une année très difficile, les fondamentaux sont solides chez PSA comme chez FCA. Leur capitalisation boursière cumulée à progresser de 7% depuis fin 2019 alors que le reste du secteur avait tendance à la baisse, une progression imputable surtout à FCA (ce qui explique que la parité d’échange passe 1921 FCA pour 1 PSA fin 2019 à 1742 pour 1). Les deux groupes étaient respectivement premier et quatrième de l’industrie automobile pour ce qui est de la rentabilité en 2019. C’est d’ailleurs grâce à cette rentabilité, une certaine avance dans l’électrique et la compétence de son management que PSA a pu (moyennant prime bien sûr) prétendre à une fusion à 50/50 avec FCA dont le chiffre d’affaire est presque deux fois supérieur. L’organisation de la nouvelle structure reflète d’ailleurs les apports de chacun, plaçant Tavares à la tête des opérations et Elkann à celle du conseil d’administration. Bémol à cette solidité, une surcapacité des lignes de productions que la chute des ventes de véhicules en 2020 a empirée alors même que les futurs dirigeants se sont engagés à ne pas fermer d’usines.
Finalement, la fusion de PSA et Fiat-Chrysler donne peut-être une bonne idée du marché automobile de demain. Des constructeurs plus que centenaires qui, pour faire face aux transformations de ce siècle portés par des géants émergeants chinois ou de nouveaux entrants de la Silicon Valley comme Tesla, n’ont pas d’autres choix que la consolidation. Le fait que Tesla, qui a vendu 16 fois moins de véhicules en 2019 que Stellantis, pèse dix fois plus en bourse démontre bien que les clés de réussite dans l’automobile ne seront pas les même demain qu’hier. De plus, si former des groupes gargantuesques est la seule chance de survie pour les constructeurs historiques, la place centrale que prend l’innovation technologique dans l’automobile les laisse vulnérable à la concurrence que viendront leur faire les nouveaux arrivants, agiles et disruptifs.