La Catalogne
Le référendum catalan prolonge le référendum écossais et en annonce d’autres. Après la dislocation des empires coloniaux puis de l'ex-URSS, arrive celle des états-nations. Le temps des empires étant révolu, celui des principautés est-il en train d'arriver ?
Le référendum catalan prolonge le référendum écossais et en annonce d’autres.
Ce n’est pas un événement anodin…
La fragmentation du monde est en cours.
Comme le mouvement des plaques tectoniques, c’est un mouvement à long terme, souterrain, et qui ne se laisse voir que de temps en temps par un tremblement de terre politique.
Cette fragmentation a commencé avec la dislocation des empires coloniaux. Le citoyen médusé du 20ème siècle a vu Diên Biên Phu et la chute du mur de Berlin. Elle continue maintenant avec celle des états-nations.
Qui aurait imaginé il y a 40 ans la dislocation de l’URSS, de la Yougoslavie, de la Tchécoslovaquie, et l’émergence de pays aussi petits que les pays baltes, le Montenegro, le Kosovo, la Moldavie ?
Il nous faut maintenant envisager que ce ne sont pas là des accidents historiques, mais le sens de l’histoire. L’histoire est vivante et donc cyclique : après de longues périodes de regroupements et d’unions, le temps des empires, vient celui des sécessions, le temps des principautés.
Nous ne sommes qu’au début de ce grand retrait des eaux.
L’Écosse appartient au Royaume-Uni depuis le début du 17ème siècle. La Catalogne a intégré le Royaume d’Aragon au 12ème siècle.
La revendication de leur indépendance rompt une longue union : ce n’est pas un mouvement d’humeur qui fait basculer une cohabitation, c’est un divorce, et les causes de la séparation sont profondes :
L’homme du 21ème siècle aspire à une identité plus proche, plus forte, plus régionale comme réponse à la remise en cause des repères traditionnels : les lois morales, la famille, le genre même. Il cherche également de nouveaux liens, car il se sait potentiellement abandonné, par ses proches, par son entreprise, désormais sans liens indéfectibles mais uniquement contractuels.
Les autorités nationales sont délégitimées. Elles n’ont pas protégé le peuple : les guerres mondiales, la Shoah, la Kolyma, Hiroshima, la révolution culturelle, Tchernobyl, Fukushima. A un degré moindre, la mondialisation avec ses cohortes de délocalisations a été sauvage, l’immigration massive, le niveau de vie de la classe moyenne stagne ou se dégrade depuis plus de 20 ans.
L’avenir n’est pas écrit, mais les racines de la fragmentation du monde semblent impératives, enracinées dans notre conscience profonde. Le mouvement paraît inéluctable. L’homme est toujours en attente du "Royaume" et si l’ordre du monde n’offre plus de perspective de son potentiel accomplissement, alors vient le temps des révolutions.
Alors, après la Catalogne, viendra le temps du Pays Basque en Espagne, de la Bretagne, de la Savoie, de l’Alsace, de la Lorraine, de l’Aquitaine et du Comté de Nice en France, du Pays de Galles, de l’Irlande du Nord et pourquoi pas de Londres au Royaume-Uni, de la Bavière, du Wurtemberg, de la Saxe et de la Prusse en Allemagne, des Deux-Siciles, de la Lombardie et de la Vénétie en Italie, de la Flandre en Belgique.
Aux Etats-Unis même, les Etats fédérés prendront de plus en plus d’autonomie : Floride, Texas, Virginie, Californie.
En Chine, Taïwan et Hong Kong sont déjà assez éloignés de Pékin, alors qu'en sera-t-il de Shanghai, de Canton, de la Mandchourie, du Xinjiang, du Tibet ou du Guangxi ?
En Europe, la perspectives pour les régions sécessionnistes est une autonomie renforcée.
La peur de quitter le marché unique et la monnaie commune empêchera leur indépendance.
Avec l’attribution de fonctions régaliennes au niveau communautaire (défense, frontières, une partie de la justice et des impôts), les pouvoirs nationaux seront réduits à peu de choses.
Mais l’Europe elle-même, morcelée entre des régions rivales, ne sera pas une puissance fédérale : le projet européen d’Emmanuel Macron est à contre-courant des temps qui viennent. L’Europe de demain pourrait plus ressembler au Saint Empire romain Germanique qu’aux Etats-Unis d’Amérique.
Pour l’investisseur à long terme je donnerai un conseil : tout le monde a les yeux braqués sur de potentielles convulsions économico-financières, mais les prochaines secousses sur les marchés financiers pourraient bien avoir pour origine des déstabilisations politiques.
Il sera judicieux alors de disposer d’un volant significatif de trésorerie à investir.
« Winter is coming ».