La cigale et la fourmi
Un nouvel édito signé Guillaume Rouvier.
La Cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau .
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'août (2), foi d'animal,
Intérêt et principal.
La Fourmi n'est pas prêteuse ;
C'est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez ? j'en suis fort aise :
Et bien ! dansez maintenant.
L’Allemagne et la Hollande refusent la mutualisation de la dette souveraine, c’est-à-dire de faire basculer l’Union Européenne vers une union de transfert.
Ils considèrent que les outils pour affronter les conséquences économiques et financières de la crise sanitaire existent déjà. Examinons les deux principaux :
1° : Le premier outil est le « Mécanisme Européen de Stabilisation Financière » (MESF)
Le Mécanisme Européen de Stabilité Financière est entré en vigueur le 27 septembre 2012. Il a pour but de fournir une aide financière aux États membres qui connaissent ou risquent de connaître de graves problèmes de financement.
Le Mécanisme Européen de Stabilité Financière dispose de plusieurs outils. Il peut, à des taux d'intérêts plus faibles que sur le marché, accorder des prêts à un État en difficulté, acheter des obligations des États membres bénéficiaires (sur les marchés primaire et secondaire) ou encore fournir des prêts pour assurer la recapitalisation d'établissements financiers tels que les banques.
Il peut également, en cas de risque d'endettement trop important, octroyer une assistance financière à titre de précaution. Le MESF dispose, en plus des 620 milliards de capital exigible des États, de 80 milliards d'euros de fonds propres. Le montant du "pare-feu" européen atteint donc 700 milliards d'euros. Ce fonds est alimenté par les États membres en fonction de leur richesse : l'Allemagne y contribue par exemple à 27%, la France à 20,5%.
Pour en bénéficier, plusieurs conditions sont cependant nécessaires : l'État doit notamment avoir signé le "traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance" qui contraint les États signataires à respecter un certain équilibre budgétaire sous peine de sanctions, et à inscrire cette règle d'équilibre dans leur constitution.
2° : Le QE de la BCE, c’est-à-dire son intervention sur le marché de la dette des Etats de zone Euro par achats massifs d’obligations souveraines.
Dans une tribune au Financial Times, Christine Lagarde a déclaré : « Nous sommes totalement prêts à augmenter la taille de nos programmes d’achats d’actifs et à ajuster leur composition, autant que nécessaire et aussi longtemps que nécessaire. »
En clair, la BCE fera tout le nécessaire pour que tous les États de la zone puissent se financer à très bas prix, indépendamment de la règle de proportionnalité pourtant validée par la Cour Européenne de Justice.
Si on examine ces deux outils, la conclusion est qu’aucun pays de la zone Euro ne rencontrera de difficultés dans les prochains mois pour financer ses vastes programmes d’aides, ni pour refinancer la dette existante.
Le problème réside dans l’après-crise : le coût de la crise représentera probablement une augmentation de la dette publique proche de 20% du PNB : c’est en effet ce qu’a coûté la crise de 2008 à la France comme on le voit très bien dans le graphique ci-dessous :
Avec une dette à 120% du PIB, la France peut vivre mais elle se trouvera dans une situation fragile et exposée aux marchés, comme l’Italie aujourd’hui.Et il lui sera peut-être plus difficile de s’en extraire parce que ses prélèvements obligatoires représentent plus de 48% de son Produit Intérieur Brut contre un peu plus de 42% pour l’Italie et parce que son solde commercial est négatif alors qu’il est positif pour l’Italie.
Il n’est donc pas sûr que la France accepte de s’enfermer à long terme dans une telle situation de dépendance aux marchés financiers.
Il n’existe probablement que deux moyens de sortir de cette impasse :
1° : La BCE annule tout ou partie de la dette des États qu’elle a rachetée : hiboo pense que ce serait théoriquement la meilleure solution, mais le risque de perte de confiance en la monnaie qu’il engendrera poussera probablement les États du Nord à s’y opposer avec d’autant plus de force que la monétisation de la dette est interdite par les traités européens.
2° : La croissance permet au fil des ans de réduire la dette en % du PIB parce qu’elle génère plus de recettes fiscales pour l’État, et donc la dette cesse de progresser, alors même que le PIB lui augmente. C’est pourquoi le gouvernement français pousse à l’adoption par l’Union Européenne d’un vaste plan de relance européen financé par une dette mutualisée : il s'agirait de créer un « fonds de solidarité temporaire sur une période de 5 à 10 ans » qui serait dédié à l'investissement dans le renouveau des économies et des systèmes de santé, dans le respect des engagements climatiques et conformes à la stratégie industrielle de l'Europe. Il n’est pas sûr que les États du Nord acceptent ce plan et il n’est pas sûr qu’il soit suffisant pour relancer suffisamment l’économie française pour lui permettre de combler son surplus à venir de dette publique.
Dans ce cadre, la seule solution pourrait être une sortie de l’Euro par la France permettant une dévaluation compétitive accompagnée par un vaste plan de relance en investissements structurants pour l’économie et par une monétisation d’une partie de la dette publique.
Les tensions sociales qu’a connu la France au cours des derniers mois et le risque qu’elles renaissent à l’issue du confinement pourraient pousser le gouvernement à envisager cette sortie de secours avec tous les risques qu’elle comporte.
hiboo conseille donc vivement l’investissement dans des actions de sociétés françaises mondialisées, au bilan solide et disposant d’avantages concurrentiels durables, typiquement les actions que nous recommandons chez hiboo, et parallèlement le désinvestissement de tous les placements obligataires en dette souveraine ou privées des pays du sud de l’Europe.
Espérons le contraire, mais un virus d’une nano-taille pourrait avoir des conséquences majeures sur l’avenir de la France et de l’Europe.