La mort du capitalisme
Tout le monde connaît ce mot qui circulait derrière le rideau de fer : « Qu’est-ce que le capitalisme ? C’est l’exploitation de l’homme par l’homme. Qu’est-ce que le communisme ? C’est le contraire. » Le capital, qui fut longtemps le facteur de production dominant, a de moins en moins de valeur parce que ce n’est plus lui qui crée la valeur ajoutée. Ce qui crée de l’argent, c’est désormais la capacité à mobiliser et utiliser l’information et la connaissance. En un mot, c’est la mort du capitalisme. Et c'est une très bonne nouvelle pour l’humanité qui se libère ainsi d’une tutelle rarement philanthrope. Autant que possible, pour chacune des sociétés étudiées, hiboo tâchera de vous aider à ajuster votre discernement à l’aune de cette révolution en cours.
Tout le monde connaît ce mot qui circulait derrière le rideau de fer :
« Qu’est-ce que le capitalisme ?
C’est l’exploitation de l’homme par l’homme.
Qu’est-ce que le communisme ?
C’est le contraire. »
Il y a maintenant 30 ans, nous avons vécu, dans la joie et la stupéfaction, la mort du communisme.
Aujourd’hui, nous vivons la mort du capitalisme, mais l’événement ne fait pas la une des journaux.
C’était pourtant prévisible, les deux évènements ayant la même cause : le capital n’est plus le facteur de production déterminant.
Nous avons appris qu’il y avait trois facteurs de production :
- E = l'eau (pour la terre car sans elle c’est le désert) et l'énergie.
- K = le capital.
- T = le travail.
Les trois facteurs, combinés, sont nécessaires pour produire (P) un bien ou un service.
On pouvait donc écrire l’équation simple suivante :
P = E x K x T
On note tout de suite que si l'un de ces facteurs est égal à O, alors P=0.
Cette particularité a eu une conséquence majeure dans le passé : ceux qui détenaient l'un des facteurs de production étaient les maîtres du jeu.
C’est pour cette raison que les pays producteurs de pétrole sont devenus si riches.
C’est pourquoi les syndicats ont été si puissants et les financiers si dominants au 20ème siècle.
Mais E et T sont des facteurs de productions contraints :
- Un pays producteur de pétrole a besoin de le vendre.
- Une terre ne peut pas être laissée longtemps en déshérence sans quoi elle redeviendrait une forêt.
- Un travailleur peut faire grève, mais ce pouvoir est limité car il doit travailler pour nourrir sa famille.
En revanche le capital est un facteur de production libre, essentiellement parce qu’il est mobile. Ses détenteurs peuvent décider de ne pas l’investir (thésaurisation) ; s’ils l’investissent, ils peuvent choisir le pays et le type d’actif (obligation, immobilier, action) dans lequel le placer ; et ils peuvent changer d’avis à tout moment.
En schématisant, on peut dire que E et T sont des stocks et K un flux : E et T doivent donc attirer K pour générer P ; E et T dépendent donc de K : c’est ce qu’on appelle le capitalisme.
Pour rompre cette dépendance, qui entravait notamment les travailleurs, les communistes ont eu l’idée simple de retirer au capital sa liberté : l’allocation du capital ne serait plus déterminée par une multitude de décisions individuelles, mais centralisée. Désormais, à l’allocation du capital dictée par le marché s’opposait l’allocation du capital dictée par le plan.
Cela a mal fonctionné.
La crise de 1929 et parallèlement la forte croissance de l’Union soviétique dans les années 30 ont donné une illusion de réussite.
Dans des économies dominées par l’industrie lourde, l’allocation planifiée du capital a eu une forme d’efficacité qui a pu masquer le coût en terme de qualité de vie (la consommation aurait baissé en Russie dans les années 30 de 30% à 50%, suivant les analyses, pour financer l’investissement) et de désordres monétaires (la création d’une banque unique, la Gosbank, générant des goulets d’étranglement dans les flux monétaires inter-entreprises qui furent compensés par des créations monétaires excessives sources d’hyperinflation).Par ailleurs, l’organisation de l’économie, pour fonctionner, devait intégrer tous les facteurs de production pour les agencer les uns aux autres et donc planifier la vie de chacun, avec toutes les conséquences en terme de liberté, d’initiatives et de motivation que l'on connaît : le Goulag ne pouvait qu’être le revers de la pièce.
Il est probablement simpliste d’attribuer à des facteurs structurels l’effondrement du bloc soviétique, le rôle d’acteurs individuels et de circonstances particulières ayant certainement été déterminant. Il n’en reste pas moins que dès les années 1960, l’économie soviétique a été à la peine, ce qui a fragilisé le système dans son ensemble et rendu possible son effondrement : la complexification de l’économie réduisait en effet, année après année, l’efficacité relative de la planification de l’économie.
Mais surtout, un nouvel élément est apparu dans l’équation de production, rendant inopérante une allocation de capital déjà médiocre : la connaissance.
C’est à partir de cette décennie qu’Alvin Toffler, l’auteur du « Choc du futur » et de « La Troisième Vague », date le passage progressif de la société industrielle à la société post-industrielle de l’information.
Le concept est également établi par Fritz Machlup en 1962 par la publication de son livre "The Production and Distribution of Knowledge in the United States" .
Le savoir, et particulièrement la capacité de traiter des informations complexes, est et sera de plus en plus l’élément différenciateur avec les systèmes économique précédents.
L’équation de la production pourra schématiquement s’écrire ainsi :
P = (E x K x T)s
avec s = savoir comme puissance, sachant que la puissance d'un nombre correspond au résultat de la multiplication, autant de fois qu’indiqué par l’exposant, de ce nombre par lui-même.
Dans cette nouvelle équation, on note que les facteurs traditionnels de production sont toujours indispensables, mais que l’élément déterminant réside dans l’exposant, c’est-à-dire dans le savoir : ainsi 210 est plus de dix fois supérieur à 102.
Cela explique que, déjà, des petits pays sans ressources, comme Singapour (5,6 M d’habitants), puisse avoir un PNB (490 Mds$ en 2016) supérieur au Vénézuéla (469 Mds$ en 2016 pour 32 M d’habitants), à la Norvège (365 Mds$ en 2016 pour 5,2 M d’habitants) ou au Chili (436 Mds$ en 2016 et 18 M d’habitants), lesquels détiennent pourtant de très importantes ressources en matières premières, hydrocarbures ou cuivre.
Et nous ne sommes qu’au début de ce phénomène…
Cela signifie que les facteurs de production traditionnels perdent de plus en plus d’importance dans l’équation : la valeur ajoutée n’est plus dans la terre, le travail ou même le capital, mais dans la valorisation de ces facteurs de production par le savoir.
Cela est particulièrement frappant pour le capital qui fut longtemps le facteur de production dominant : les valeurs boursières d’Apple, Microsoft, Amazon, Facebook sont très éloignées du capital qu’il a fallu mobiliser pour les créer. C’est ce qui a fait dire à Warren Buffet que plus une société a de « goodwill », plus elle a de valeur.
Il faut donc de moins en moins de capital et de plus en plus de savoir pour créer et développer une société ou une économie.
Le capital a donc de moins en moins de valeur parce que ce n’est plus lui qui crée la valeur ajoutée.
Ce phénomène est accentué par le fait que la forte croissance des classes moyennes dans le monde émergent augmente chaque année la masse d’épargne disponible pour investir alors même que la production en a de moins en moins besoin.
En un mot, c’est la mort du capitalisme. Et c'est une très bonne nouvelle pour l’humanité qui se libère ainsi d’une tutelle rarement philanthrope.
Cela ne veut pas dire que l’argent n’a plus de valeur mais que nous revenons à une situation qui ressemble à celle de l’ère préindustrielle : au 18ème siècle, l’argent a de la valeur, mais il n’en crée pas, la terre étant quasi l'unique facteur de production.
Les lendemains seront ardus pour les capitalistes : leur capital sera de moins en moins productif.
Ce qui crée de l’argent, c’est désormais la capacité à mobiliser et utiliser l’information et la connaissance.
Ce n’est donc pas un capital qu’il faut transmettre à nos enfants, mais cette capacité, d’où l’importance de l’éducation qui va bien au-delà de l’instruction.
L’autre bonne nouvelle, c’est que autant les facteurs de production traditionnels étaient rares et inégalement répartis, autant la connaissance est disponible partout et abondante. On peut presque dire qu’elle peut croître indéfiniment.
Cela signifie que les cycles de croissance peuvent être beaucoup plus forts et longs que ceux que nous avons connus dans le passé.
Mais cela signifie également que la croissance peut émerger partout et se développer très vite parce que, contrairement à une économie mécanique, l’économie de l’information a beaucoup moins d’inerties : la vitesse de déploiement des nouvelles sociétés (Facebook, Netflix) est tout simplement sidérante.
Que peut retenir un investisseur de cette révolution ?
La valeur d’un placement réside plus dans l’immatériel que dans les immobilisations corporelles qui sont à l’actif d’une entreprise ou dans le capital qui est au passif.
La gestion Value doit s’adapter en conséquence: l’investisseur intelligent n’est plus celui que décrivait Benjamin Graham.
Les positions acquises, notamment grâce à des avancées technologiques, ne sont plus pérennes. La gestion Growth devra en tenir compte dans l’appréciation des multiples de valorisation.
Autant que possible, pour chacune des sociétés étudiées, hiboo tâchera de vous aider à ajuster votre discernement à l’aune de cette révolution en cours.