Macron l’Européen
Emmanuel Macron a inscrit sa candidature dans le cadre d’une adhésion renforcée à l’Europe et à la zone €.
Emmanuel Macron a inscrit sa candidature dans le cadre d’une adhésion renforcée à l’Europe et à la zone €.
Les grandes lignes de son plan sont les suivantes:
- Le renforcement de l’Europe de la défense : pour le matériel et son financement, et par la coordination des opérations (Etat-major et Conseil de sécurité commun).
- La mutualisation budgétaire de certains investissements et des interventions financières en cas de crise, sous la houlette d’un ministre européen des finances contrôlé par un parlement spécifique.
- L’encadrement de la concurrence sociale, environnementale et fiscale : à l’intérieur de l’Europe mais aussi pour les produits importés.
Sa mise en œuvre signifierait un renforcement de la zone € et donc une hausse de l’€.
Cette hausse aurait trois impacts:
- Compliquer la normalisation de la politique monétaire de la BCE.
- Soutenir la consommation intérieure par son impact favorable sur le pouvoir d’achat des ménages.
- Fragiliser les industries exportatrices, particulièrement françaises, pour lesquelles la baisse du $ a apporté un réel soutien (défense, aéronautique, naval, automobile, machine-outil).
Les deux premiers éléments favoriseraient l’adaptation de l’Europe du sud très endettée, dont la France : l’impact budgétaire d’une hausse des taux serait retardé, et une demande intérieure solide alimenterait leurs recettes fiscales.
Mais quid de leur tissu industriel ?
Prenons l’exemple de Dassault Aviation : stratégique pour la défense française, l’avionneur deviendrait trop cher. On sait bien que la baisse de l’€ a rendu possibles les exportations de Rafales.
Contenue dans le plan, la mutualisation des commandes de défense européennes, permettant de réduire les coûts par des économies d’échelles, constitue un élément de réponse. Mais les européens voudront-ils acheter des avions de combat français ?
Par ailleurs, cette solution ne s’appliquera pas à l’industrie aérospatiale civile, dont les concurrents sont américains pour l’essentiel. Le retour de l’€ à sa parité de 2008, soit 1,60 $ pour un €, fragiliserait Airbus mais également Safran.
Et que dire de l’industrie navale : comment se comportera le constructeur de paquebots français STX avec un $ à 1,60€ ? La question se pose pour beaucoup d’industries stratégiques, en France surtout, et en Italie.
Déterminer jusqu’où l’€ peut monter, et à quelle vitesse, nécessite une étude d’impact poussée sur les différentes industries menacées, sur leurs capacités d’adaptation et sur le temps qui leur est nécessaire pour s’adapter.
Généralement ce genre de travail analyse les déroutes plutôt qu’il ne les prévient.
Le risque est donc le suivant :
- Au cours des dernières décennies, l’ouverture non contrôlée, et donc déraisonnable, de nos frontières aux produits de la mondialisation a détruit une partie significative de l’industrie française.
- La politique du franc fort pour tenir dans le SME (politique Trichet des années 90) puis l’entrée dans l’€, dans les deux cas sans adaptation de nos conditions de production, en ont détruit une autre.
- Un € trop fort risquerait d’en détruire une troisième, la plus importante, celle qui constitue notre héritage technologique et notre savoir-faire le plus précieux et le plus nécessaire à notre survie en tant que nation libre.
Éviter un nouveau désastre à notre industrie impose donc que la France obtienne des contreparties en terme de mutualisation des budgets et des commandes militaires, ainsi qu’un délai d’adaptation pour les autres industries par une gestion de l’€. Il n’est en effet pas raisonnable que la zone € se renforce sans donner à la BCE la mission et les moyens de veiller sur la parité des changes de façon à ce que la hausse de l’€ soit graduelle.
En conclusion :
Les français ne veulent ni de la sortie de la zone €, ni du « frexit », et ils ne changeront pas d’avis demain : si vous demandez à un français ou à un italien s’ils préfèrent avoir leur salaire ou leur retraite payés en francs, en lires ou en €, ils optent, comme les grecs, pour l’€. C’est inévitable et c’est la raison pour laquelle seuls les allemands pourraient démocratiquement sortir de l’€ (ce qu’ils feront d’ailleurs peut-être un jour).
Ont-ils tort ?
La sortie de la zone € permettrait peut-être la sauvegarde et la renaissance de l’industrie française, mais :
- Les tissus industriels, commerciaux et financiers sont maintenant fortement imbriqués en Europe.
- Nos industries militaires, dans un premier temps sauvées, seraient menacées à long terme. Les coûts de développement des drones, des futurs avions de combat mais surtout des bases spatiales, qui domineront les champs de bataille de demain, dépasseront la mesure de notre pays. A titre d’exemple, les coûts de développement du programme américain F-35 porté par Lockheed Martin a atteint à lui seul 400 Mds$ en 2016.
- En France, les tenants de la sortie de l’€ sont ceux de l’Etat providence et clientéliste. Or une sortie de la zone monétaire n’a de chance de réussite que si la dévaluation qu’elle engendre est accompagnée, comme ce fut le cas en Suède, d’une politique déterminée de compétitivité tant au niveau de l’économie privée que de l’économie publique, sans laquelle nous écririons en français l’histoire de l’Argentine péroniste.
- Si la France quitte l’€, elle quittera très probablement l’Europe. Elle se tournera vers le monde et plus particulièrement vers l’ancien empire français, comme le Royaume Uni devra se tourner vers le Commonwealth. Cela imposera d’établir des relations étroites, politiques, diplomatiques et commerciales avec le Moyen Orient et l’Afrique et ses futurs 800 millions de francophones. Il n’échappe pas au lecteur que cette partie du monde est d’abord musulmane et qu’une intégration plus forte de l’Islam en France sera nécessaire pour mener à bien cette stratégie, ce qui n’est pas dans la tendance de ceux-là même qui prônent la sortie de l’€.
Emmanuel Macron a choisi l’Europe et plus précisément de l’Europe du Nord, essentiellement protestante. Cela impose dans notre droit les interprétations de la Cour de justice de l'Union européenne, teintées de cette culture non latine et qui fondamentalement ne nous sied pas. Mais c’est également le choix de nos racines culturelles, avec la prééminence de la raison, et chrétiennes, avec la prééminence de la charité.
Cette voie n’est compatible avec la France que si elle est accompagnée d’une grande politique industrielle, culturelle, diplomatique et d’une grande rigueur dans la gestion du pays, pour lui faire retrouver simultanément sa compétitivité et son élan.
Autant dire que les compromis tant à l’extérieur qu’à l’intérieur ne sont pas possibles, et il est encore trop tôt aujourd’hui pour dire si Emmanuel Macron sera à la mesure de ce défi, s’il sera pour l’histoire de notre pays un Armagnac ou un Bourguignon.