Pour sortir du labyrinthe
L’état d’esprit des français est important dans la détermination du taux de croissance en France : le sentiment d’un pays bien dirigé, avec une direction prise et dans un cadre de justice est nécessaire pour maintenir la croissance à long terme.
Le plus frappant est une fois de plus d’entendre le ton docte de la plupart de nos économistes médiatiques qui comme d’habitude ajustent leurs prévisions aux données qui viennent de paraître comme un pilote qui conduirait les yeux dans le rétroviseur : il est certainement plus sûr de prévoir le passé que l’avenir, quoique même le passé ne soit pas toujours simple à décrypter.
La croissance a donc ralenti en zone euro au premier semestre 2018. Elle était à 2,8% en septembre 2017, elle est à 2,1% en juin 2018 (source BCE) : la belle affaire. Elle avait été plus forte qu’escomptée, et même d’abord que calculée, en fin d’année 2017 : si je dépense beaucoup d’argent pour les fêtes de Noël, je vais essayer d’être un peu économe ensuite pendant quelques mois, ce n’est pas la peine d’avoir un supercalculateur pour le comprendre.
Ensuite les matières premières et particulièrement le pétrole ont grimpé et entamé le pouvoir d’achat. Cela a un impact immédiat. Mais on peut aussi un tout petit peu penser en dynamique et se dire que si ceux qui nous fournissent ces biens de base ont un peu plus d’argent, alors il est probable qu’ils le dépenseront en infrastructures et armes pour les états pétroliers, en investissement et dividendes pour les industriels de la sidérurgie par exemple.
L’effet pourrait être moins fort à moyen terme qu’à court terme. Bon, c’est un peu simpliste exprimé comme cela, mais nous avons la chance en France d’avoir, avec l’Insee, un institut remarquablement compétent qui sait certainement très bien calculer tout cela.
Enfin, il y a la vitesse de circulation de la monnaie, dont nous avons souvent parlé chez hiboo, et qui est probablement le facteur le plus important dans la détermination de la croissance. Et cette vitesse résulte d’abord de facteurs non matériels et non quantifiables comme l’état d’esprit : si je suis optimiste, je vais probablement investir et consommer plus et plus rapidement que si je suis pessimiste.
Donc l’état d’esprit des français est important dans la détermination du taux de croissance en France : le sentiment d’un pays bien dirigé, avec une direction prise et dans un cadre de justice est nécessaire pour maintenir la croissance à long terme.
Emmanuel Macron apporte certains de ces éléments qui sont précieux : des réformes sont mises en œuvre et le pays a le sentiment d’être « en marche ». Mais le problème c’est qu’il ne sait pas vers quoi.
Les incompréhensions sont nombreuses :
- Au nom de la justice et de l’efficacité, on veut supprimer le statut des cheminots, c’est lisible, mais alors pourquoi n’appliquer cette mesure qu’aux nouveaux recrutés, c’est-à-dire la reporter de 20 ans ? C’est incompréhensible.
- Pour tenir dans la mondialisation, on veut renforcer l’Europe, mais alors pourquoi vilipender l’Italie ?
- Pour stimuler la reprise, on veut augmenter le pouvoir d’achat, mais alors pourquoi contre balancer la baisse de la taxe d’habitation et des charges salariales par une hausse de la CSG ? Et surtout pourquoi commencer par la hausse de la CSG au lieu de commencer par la baisse de la taxe d’habitation ?
- Pour stimuler l’investissement, on réduit les impôts sur le capital financier et ses revenus. Mais en quoi une réduction de l’impôt sur les placements en obligations d’Etats, peut-elle aider à renforcer l’investissement dans l’appareil de production ? Il aurait été bien plus logique de réduire beaucoup plus les impôts sur les actions, où un risque sur l’appareil productif est assumé, et beaucoup moins celui sur le capital placé en rente.
- Et puis il est incompréhensible pour tous les français, alors que les taux d‘intérêts sont au plus bas historique et que le taux de prélèvements obligatoires dépasse, et de très loin, celui de tous les autres états développés dans le monde sans exception, que l’on ait cette impression de manque d’argent public avec des commissariats glauques, des hôpitaux au bord de l’asphyxie, des universités délabrées et incapables d’accueillir toutes les demandes de formation.
« Le pognon de dingue » de Macron est probablement une partie de la réponse à cette dernière question.
Mais cette séquence souligne un grave déficit de communication responsable et intelligente : ce n’est ni quantifié, ni argumenté.
La communication pêche également lorsqu’on laisse coller au dos du chef de l’Etat l’image de Président des riches.
Nos bons prêcheurs de gauche crient aux cadeaux aux riches lorsque l’ISF et les taxes sur le dividende sont allégés.
C’est passer sous silence que la retraite par répartition, c’est-à-dire non capitalisée n’était pas prise en compte dans le calcul de l’ISF (on se demande pourquoi ?), que 10% des français seulement paient 70% de l’impôt sur le revenu, que l’impôt supporté après tous prélèvements (IS, CSG, IRPP) par un actionnaire sur le dividende pouvait atteindre 65% sous Hollande et que la réforme si décriée laisse encore un impôt à 50%.
Cela me fait penser à ces voyous qui ont attendu, la nuit, une de mes vieilles amies dans son parking pour la détrousser : à peine sortie de sa voiture, ils sortent de leur cachette, l’empoignent et la jettent à terre, la battent puis lui arrachent un à un tous ses bijoux ; arrivés au dernier, l’alliance, celui qui semblait être le chef dit à mon amie assommée et apeurée : « je vais te faire une cadeau la vieille, tu peux garder ton alliance ».
Pourquoi n’y a-t-il personne pour dire que plus un pays est gouverné à gauche, plus la population s’appauvrit et perd ses libertés ?
Il y a 100 ans, les suisses étaient plus pauvres que les français. Le salaire minimum devrait aujourd’hui y approcher 3.000 €.
En contre partie, dans le Venezuela de Chavez, la population a, en moyenne, perdu plus de 10 kilos par personne alors que le pays possède parmi les plus importantes réserves de pétrole au monde.
Pourquoi ne pas rappeler à nos bons prêcheurs de gauche que la plupart, ou au moins leurs anciens, ont soutenu Mao en jetant un voile pudique sur les massacres de la révolution culturelle. Le parti communiste français et la CGT, quant à eux, ont publiquement défendu l’URSS, dont le bilan était censé être « globalement positif » avec ses asiles psychiatriques pour détenus politiques, le goulag et la Kolyma. Pourquoi ne parle-t-on jamais de la Kolyma* ? Et qu’on ne vienne pas nous dire qu’on ne savait pas : « Une journée d’Ivan Denissovitch » est paru en 1962 ! Comment la CGT ose-t-elle encore s’exprimer après cela ? Elle pourrait au moins avoir la décence de changer de nom.
Que ceux qui soutiennent Macron ne montent pas plus au créneau pour le défendre et que lui-même ne soit pas plus didactique, voilà qui ne cesse de m’étonner.
Ces manques de paroles ajoutés aux erreurs dans la méthode ont des conséquences pour l’allure du nécessaire redressement de notre vieux pays.
Pour revenir à la croissance de la zone euro, les fondamentaux plaident pour une croissance proche de 2%. Je serais très étonné que nous nous en écartions au-delà de la volatilité intrinsèque à l’économie qui est un système complexe. Nous devrions retrouver une croissance plus forte au cours des prochains trimestres et je recommande à nos lecteurs de ne pas se laisser influencer par les propos alarmistes sur le ralentissement de la croissance … du moins tant que l’Allemagne n’a pas repris les commandes de l’Europe, car son cœur penche pour une politique malthusienne servant une population vieillissante.
Dans ce cadre, les cycliques et les financières européennes sont à privilégier dans les placements pour un investisseur « top down ». Le discernement, et donc la lecture des analyses hiboo, s’impose cependant pour choisir les bonnes valeurs.
Pour ce qui est des financières, hiboo n’a pas encore réalisé d’études sur les grandes banques et compagnies d’assurance françaises. On retiendra cependant qu’elles ont toutes publié des résultats solides pour le premier semestre alors que, après des années d’efforts, leurs fonds propres sont pléthoriques et que les taux d’intérêts, et donc leurs marges, sont au plus bas historiques. Cerise sur le gâteau, elles versent en moyenne environ 6% de dividende sur leurs derniers cours côtés. Avis aux amateurs.
Généralement je tâche, et je demande à mes jeunes analystes, d’être le plus rationnel et pondéré possible. Ce billet échappe à la règle et tient plus du billet d’humeur. A Paris, il fait plus de 35°, hiboo reste ouvert tout l’été tant il est urgent pour notre jeune société de percer. Nombreux parmi mes jeunes collaborateurs font une heure de transport le matin et une autre le soir sous la canicule pour travailler. Si un jour ils réussissent, ce sera le juste fruit d’un courageux labeur et je ne vois pas au nom de quelle morale on viendrait leur retirer l’essentiel de ce fruit pour le donner à d’autres qui n’auraient pas accompli le même effort et mobilisé autant de courage.
Je dis cela comme une vérité et, en fait, sans ombrage car je crois profondément à la parabole des talents, même dans sa lecture au premier degré, et je sais, pour mes jeunes, tout ce que leur mobilisation leur rendra, bien au-delà du matériel, en joie profonde, en accomplissement et en liberté.
Je vous souhaite, chers lecteurs, un sable chaud, une mer rafraîchissante et de très revigorantes vacances avant de reprendre le chemin de vos engagements professionnels.
*La Kolyma est une région de l'Extrême-Orient russe devenue un centre majeur d'extraction minière au cours du xxe siècle grâce au travail forcé. / https://fr.wikipedia.org/wiki/Kolyma /