L’article 49-1 permet au Premier ministre d’engager la responsabilité du gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique générale. Cette procédure constitue un véritable “vote de confiance” où le gouvernement sollicite explicitement le soutien de l’Assemblée nationale.
Le Premier ministre prononce un discours devant l’Assemblée, suivi d’un débat puis d’un vote. La confiance est accordée si le gouvernement obtient la majorité absolue des suffrages exprimés uniquement.
Si la confiance n’est pas accordée, le Premier ministre doit remettre la démission du gouvernement au Président de la République.
Pour que le gouvernement se maintienne avec le 49-1, il faut donc la majorité absolue des suffrages exprimés (abstentions non comptées), alors que pour une éventuelle motion de censure consécutive au 49-3, il faut la majorité absolue des membres de l’Assemblée (289 députés). Autrement dit, pour que le gouvernement ne tombe pas avec le 49-1, il faut une majorité des suffrages qui vote pour lui, alors que pour que le gouvernement tombe avec le 49-3, il faut une majorité des députés qui vote contre lui.
Dans la conjoncture actuelle, il paraît clairement plus difficile d’obtenir des votes de soutien que d’éviter des votes de censure ; de plus, dans le 49-3, les abstentions sont dans les faits des votes contre la censure, alors que, dans le 49-1, ils sont des votes pour le chute du gouvernement.
Si on regarde factuellement l’état des intentions de vote :
Groupes votant CONTRE la confiance (selon leurs déclarations) :
- Rassemblement National : 123 députés + UDR : 15 députés = 138 voix
- La France insoumise – NFP : 71 députés
- Écologiste et Social : 38 députés
- Gauche Démocrate et Républicaine (communistes) : 17 députés
- Socialistes et apparentés : 66 députés (Boris Vallaud a confirmé que le PS votera contre)
Total des voix CONTRE : 330 voix
Groupes soutenant potentiellement le gouvernement :
- Ensemble pour la République (Renaissance) : 91 députés
- Droite Républicaine (LR) : 49 députés
- Les Démocrates (MoDem) : 36 députés
- Horizons & Indépendants : 34 députés
Total des soutiens potentiels : 210 voix
Scénario avec tous les députés présents (574 députés présents selon les effectifs actuels) :
- Voix CONTRE : 330
- Voix POUR : 210
- Abstentions possibles : 34 (groupe LIOT + divers)
Sur 540 suffrages potentiellement exprimés (en cas d’abstention du groupe LIOT), 271 voix sont nécessaires pour la majorité absolue, un seuil qui ne sera donc pas atteint.
Même si les socialistes s’abstiennent au lieu de voter contre, le gouvernement tombe, ce qui n’aurait pas été le cas dans le cadre du 49-3 :
Groupes votant CONTRE :
-
- RN + UDR : 138 députés
- LFI : 71 députés
- Écologistes : 38 députés
- Communistes : 17 députés
- Total CONTRE : 264 voix
Groupes votant POUR :
-
- Renaissance : 91 députés
- LR : 49 députés
- MoDem : 36 députés
- Horizons : 34 députés
- Total POUR : 210 voix
Suffrages exprimés : 264 + 210 = 474 voix
Majorité absolue requise pour le gouvernement avec le 49-1 : 238 voix (474 ÷ 2 + 1)
Majorité requise pour faire tomber le gouvernement avec le 49-3 : 288 voix (574 ÷ 2 + 1)
Pour résumer donc, les socialistes tiennent la clé du budget : s’ils s’abstiennent dans le cadre du 49-3, le budget passe et dans le cadre du 49-1 le gouvernement tombe et le budget avec.
Or les socialistes peuvent éventuellement s’abstenir, mais ils ne peuvent certainement pas soutenir le gouvernement. Donc Bayrou a engagé un vote qui aboutira nécessairement au renversement de son gouvernement.
La question est donc de comprendre pourquoi Bayrou a-t-il choisi une procédure qui garantit sa chute alors qu’il disposait d’alternatives moins risquées ?
La réponse bien pensante repose sur la question du timing budgétaire : si Bayrou utilise le 49-3 sur le budget et que les députés votent la censure, à ce moment-là il tombe en novembre ne laissant pas le temps de faire voter un nouveau budget avant la limite de la fin d’année. Or sans budget, la France sera menacée d’une crise financière.
La réponse politique est une réplique à Macron : en tombant maintenant sur un vote de confiance plutôt que sur une censure budgétaire, Bayrou renvoie la responsabilité de la crise à Emmanuel Macron, qui devra assumer les conséquences de ses choix de dissolution et de nomination. Pourquoi une réplique, ? Parce que Macron venait de mettre une pierre dans le jardin de Bayrou en ayant formellement exclu le recours à une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale dans un entretien à Paris Match publié le 19 août 2025 : or le non recours à la dissolution ouvre la porte à une censure du budget parce que les députés ne sont plus sanctionnés pour leur vote, ce qui renforce la probabilité d’une censure du budget et donc de l’action de redressement du premier ministre.
hiboo croit plutôt à la réponse politique comme explication parce que, comme dans tout système, c’est la systémique qui compte, et donc en politique, c’est le politique qui prime, y compris sur l’intérêt général, même si les choses ne sont pas nécessairement binaires.
Si on réfléchit dans cette logique purement politique, il faut bien reconnaître que Bayrou avait forcé la main du PR pour sa nomination : cela ne pouvait pas rester impuni.
Donc maintenant que Bayrou s’est jeté dans le 49-1, rien n’empêche Macron de dissoudre à l’issue de la chute du gouvernement ou de composer un nouveau gouvernement avec une assise plus large.
Regardons ces deux hypothèses :
- dissoudre l’assemblée : la répartition actuelle des sièges résulte largement de la capacité des forces politiques, au moment de la dissolution, à bâtir le NFP d’une part et le front républicain d’autre part ; or ces deux mécanismes seront moins efficaces en 2025 car les tensions entre PS et LFI ont fragilisé l’union de la gauche, tandis que les deux renversements de gouvernement par la gauche dissuaderont de nombreux électeurs du centre et de la droite de faire barrage au RN en votant pour des candidats de gauche.
Une dissolution devrait donc déboucher sur un affaiblissement de la gauche, une forte baisse du centre et une poussée du RN.
- composer un nouveau gouvernement impose d’élargir la base de soutien à gauche, donc au parti socialiste, ou à droite, donc au RN, parce que sans cet élargissement aucun gouvernement n’est viable.
Un élargissement à gauche vers le PS signifierait accepter un programme de rupture avec la politique menée depuis 2017 (hausse des impôts, retour sur certaines réformes, politique sociale expansive). Ce serait un reniement idéologique complet du macronisme et de la politique de l’offre.
Un élargissement à droite vers le RN constituerait une trahison des valeurs européennes et républicaines fondamentales de Macron, qui s’est défini comme le “rempart” contre l’extrême droite, et ne peut gouverner avec elle sans détruire sa crédibilité politique et historique.
Rien n’est simple… tout se complique.
Ce qui semble assez probable à hiboo dans le scénario actuel, c’est que :
1° : Macron ne démissionnera pas parce qu’en restant il bloque mécaniquement l’accès au pouvoir du RN ou d’une gauche dominée par le LFI.
2° : Macron refuse, dans l’environnement économique et géopolitique actuel, d’abandonner ses deux priorités fondamentales : la politique de l’offre et la construction d’une Europe militarisée.
Si on prend en compte ces éléments, on ne peut exclure une succession de gouvernements éphémères, comme sous la IVème république, et l’incapacité pour la France de redresser ses finances … au moins jusqu’en 2027.
Mais Macron pourrait également sortir de la boîte du politiquement correct et accepter de gouverner avec quelques ministres du RN en échange d’une stabilité gouvernementale avec le maintien de ses deux priorités.
Cette hypothèse de travail est plausible parce que des études/sondages ont montré que, pour les Français, une expérience gouvernementale était une condition pour que le RN accède au pouvoir ; parallèlement, Macron pourrait espérer que ce passage au gouvernement affaiblisse le RN comme elle avait affaibli le PC sous Mitterrand.
Quelles conclusions tirer de tout cela :
Les évènements politiques en cours affaiblissent la France, et donc sa capacité à redresser ses finances ; mais le pays ne va pas s’effondrer parce que l’Europe dans la conjoncture actuelle ne peut en aucune manière se passer d’elle : le pays sera donc soutenu jusqu’en 2027.
Sur le plan boursier, l’affaiblissement de la France génère de la volatilité, mais le maintien probable des deux priorités fondamentales de Macron, la politique de l’offre et la construction d’une Europe militarisée, soutenues par l’Europe, devrait permettre au marché de revenir assez rapidement sur leurs fondamentaux.
Dans ce cadre, les baisses en cours pourront offrir des occasions d’achat en privilégiant les actions qui auront le plus baissé et/ou celles qui sont le plus exposées à l’international.